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L’identitaire accent

Moi, Québécoise d’aujourd’hui, j’ai appris tout juste hier, que l’e du centre de ce mot doit être coiffé d’un accent aigu, telle une île caressée sur son flanc d’une vague lente surplombée d’un nuage à demeure ou encore, d’un oiseau braquien situé à une telle distance qu’il paraît longiligne, suspendu là, immobile, à la façon d’un satellite qu’on prend trop souvent pour une étoile. Je la préférais sans, cette deuxième syllabe, puisque, ainsi, laissée libre d’accent, elle se trouvait à donner un bec à quiconque la prononçait sans cet égard nécessaire à qui veut mordicus respecter les règles qui siéent dans notre langage depuis que les Académiciens ont voulu compliquer sciemment le français d’usage pour tenir à l’écart la marée montante de toutes ces bonnes gens qui avaient, au fil du temps, appris à le parler, ce " françois " et qui bientôt sauraient tout aussi bien l’écrire. Un bec au centre – presque – c’est de cette manière que j’écrivais Québecoise. C’est par l’usage du correcteur " oiseux " du logiciel Word , que j’ai dû assumer mon erreur désormais impardonnable. Ce correcteur est cependant assez franc pour me dire que mes phrases sont beaucoup trop longues mais je m’en fous. C’est ma façon à moi de penser et d’écrire. Et 1000 mots, ça ne dit pas la vie ni le monde. C’est du moins ce que m’a dit Word, par la voie de son correcteur. Seul, l’accent peut voyager.

Et il voyage souvent puisque les temps ont changé comme a dit Springsteen et bien d’autres, de bien d’autres façons. Nous avons les avions. Des avions presque de Braque quand on les observe de loin, cloués au sol. Soi, en bas et regardant le ciel pour donner des noms aux nuages. Soi, cloués à un sol qui pourtant tourne à notre insu, imperceptiblement. Soi, là, à souhaiter qu’un visiteur du ciel descende nous couvrir de bons baisers de France ou d’ailleurs.

L’accent voyage et revient. Parfois il s’est modifié en chemin. Il a pris la couleur de la région de son séjour. Il parle aux oreilles tel une musique qui embaume le cour de l’auditeur. Et souvent, de l’entendre, l’eau peut venir aux yeux, telle la mer qui appelle au voyage.