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Lois naturelles, contraintes et liberté

C’est par le respect des lois naturelles et sociales qu’il nous est possible d’avoir accès à une certaine forme de liberté. Plus on obéit aux lois qui nous permettent de nous réaliser, plus grande est cette liberté. La discipline personnelle est aussi porteuse de liberté. Car un individu qui n’a pas de discipline dans sa vie est toujours en retard dans ses activités et ne peut par conséquent s’accorder de temps libre. C’est-à-dire quelques petits moments de répit qu’il pourrait employer à son rythme, ce qui est un aspect non négligeable de la liberté.

Évidemment, le concept de liberté est relatif. Pour d’aucuns la liberté est reliée à l’argent et à la possibilité de faire tout ce dont ils ont envie, alors que pour d’autres ce serait de n’avoir aucun engagement ni responsabilité. Il y en a même qui désirent vivre seuls sur une île déserte et simplement se nourrir de chasse et de pêche. Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’a dit avoir trouvé la liberté. Comme si la liberté pouvait se trouver quelque part! J’ai bien l’impression que la liberté, si elle existait vraiment, c’est sans doute par d’autres moyens que nous pourrions y accéder.

Dès la sortie du lit le matin, nous avons des tâches à faire comme par exemple se laver, s’habiller, se nourrir et puis voguer à nos activités. Il en est ainsi chaque jour et il nous serait difficile d’ignorer ces contraintes sans que surviennent certains petits problèmes de santé. La maladie, on le sait, immobilise partiellement et brime la liberté d’action. Il est même nécessaire de faire des exercices physiques afin de conserver l’équilibre de notre organisme, surtout si nous avons un travail plutôt sédentaire.

Dans la nature tout comme dans l’ensemble de l’univers, il existe des forces positives et négatives. Elles sont régies par des lois et des dualités que nous ne pouvons pas nier et auxquelles nous ne saurions échapper. Comme nous sommes aussi faits de cette nature, nous devons apprendre à composer avec ces forces et ces dualités qui sont l’essence même de la vie. Par exemple le nouveau-né qui arrive ne doit-il pas faire un effort pour prendre son souffle, s’il veut lui aussi entrer dans le jeu de la vie?

Tous ces phénomènes sont pourtant bien naturels et aussi très merveilleux, malgré les combats quotidiens que nous devons engager afin de participer à cette belle aventure qu’est la vie elle-même. Alors! où est la liberté dans tout ça, si ce n’est dans l’acceptation et le respect de toutes ces lois naturelles qui font de nous des êtres libres, si nous savons les comprendre, les assumer et s’en faire des alliées. En tant qu’espèce intelligente, nous avons même la liberté de modifier quelque peu la nature des choses afin qu’elle puisse mieux répondre à nos besoins, d’où cet engouement pour le progrès et le développement des techniques.

Alors ne voit-on pas là une certaine liberté du fait que nous pouvons jouir de tous ces privilèges qui sont à notre disposition? N’est-ce pas aussi à partir d’un esprit de reconnaissance qu’il nous est possible d’entretenir un tel respect pour toutes ces lois naturelles qui font de nous des êtres relativement libres, par l’intelligence qu’elles nous ont permis de développer et qui nous donne la possibilité de nous assumer à travers cette relative liberté? Si je parle de liberté relative ici, c’est qu’il ne faut pas non plus négliger les déterminismes biologiques, psychologiques et sociaux qui influencent sensiblement nos comportements individuels et collectifs.

En effet, notre liberté n’est pas totale car nous ne pouvons prétendre qu’il existe une notion absolue de libre arbitre en tout temps et en tout lieu. La vie de l’homme en société fut possible qu’à la condition de pouvoir assouvir ses besoins naturels et culturels. Pour se faire, il lui a donc fallu au cours de son évolution recourir à des dépendances physiques et psychologiques. C’est-à-dire pour que l’homme se réalise pleinement, il avait avantage à développer des habitudes de vie qui soient biologiquement et socialement positives. Comme par exemple un bon régime alimentaire, études, travail, exercices physiques, loisirs, etc. Tous ces modes de vie font aussi preuve de respect des lois naturelles, celles-là mêmes qui nous permettent de nous épanouir individuellement et socialement.

Mais dans la vie concrète de tous les jours, disposons-nous d’un degré fort acceptable de liberté? Il va sans dire qu’une conception de l’action humaine qui ferait constamment appel à certains déterminismes psychologiques, telle la notion de destin ou de fatalité par exemple, aurait pour effet de réduire considérablement l’importance qu’on accorde à la liberté de choix dans notre vie. Il est donc impératif de se percevoir comme des individus relativement libres. Alors même si l’humain n’a pas accès à une liberté absolue, il est extrêmement utile pour son efficacité et sa réussite dans toutes ses entreprises qu’il se perçoive libre et autonome.

Plus encore, toute personne qui tend à développer une plus grande autonomie se doit d’entretenir des illusions positives sur elle-même et son milieu social. Dans une société comme la nôtre (capitaliste et individualiste), où l’on favorise surtout la liberté individuelle, le citoyen a sans doute besoin de se sentir libre s’il veut participer efficacement au développement culturel de sa communauté. Il serait alors tout à fait pertinent d’en conclure que l’humain, de par sa condition spécifique, se doit d’effectuer des choix entraînant des habitudes de vie qui n’entravent en rien le développement harmonieux de l’individu. Être libre donc, ce serait de pouvoir choisir nos dépendances et nos contraintes.

D’autres parts, on s’interroge à savoir quelle véritable liberté reste-t-il à l’individu, compte tenu de ses dépendances et surtout de toutes les contraintes biologiques, psychologiques et sociales qui pèsent sur l’être humain? Il lui reste tout puisque liberté et contraintes sont intimement liées. C’est-à-dire qu’il ne peut y avoir de liberté sans contraintes car ce sont justement ces dernières qui rendent possible toute forme de liberté. En fait, cette liberté tant recherchée dépend de facteurs innombrables qui la contraignent. Et ce sont ces mêmes facteurs qui lui fournissent de la matière à générer et à soutenir cette liberté. Les contraintes offrent aux individus une prise sur la liberté. Car sans les contraintes, la liberté n’aurait aucune signification pour nous puisque nous n’aurions pas d’emprise sur elle.

Je m’explique! En société l’individu jouit en principe d’une grande liberté de choix et d’actions, mais cette liberté peut le placer face à de multiples contraintes dont il est le seul à pouvoir les défier ou pas. Nous avons donc le choix de nos actions qui sont, soit porteuses de contraintes, soit de libertés, mais nous devons inévitablement en assumer les conséquences. Nous savons que le travail est pour plusieurs une contrainte qui permet l’accès à de nombreuses libertés.

Par contre, ces libertés obtenues grâce à une certaine rémunération peuvent engendrer ainsi des contraintes qui, à leur tour, deviennent porteuses de libertés. Par exemple un travail régulier peut donner accès à différents systèmes de crédit : pouvoir d’achat ou liberté de consommation. Dans un deuxième temps, on reçoit les factures à payer : privations ou contraintes. On a plus de comptes en souffrance? Libre à nouveau de contracter d’autres dettes, et ainsi de suite. Il s’agit donc d’une liberté à partir de laquelle il est possible de faire des choix en fonction de son expérience et ainsi d’en assumer la responsabilité.

Il en va un peu de même de nos contraintes biologiques. Par exemple l’homme ne peut voler comme un oiseau même s’il le désire fortement : contrainte, mais cette contrainte devient un sentiment de ~liberté~ lorsqu’il s’envole en avion. D’autres parts, escalader une montagne est une liberté de choix qui rencontre son lot d’obstacles contraignants tout au long de la montée, procurant tout de même une merveilleuse sensation de liberté une fois rendu au sommet.

Bref, la liberté est une notion abstraite qui aurait tendance à se concrétiser partiellement à travers le choix de nos contraintes. Elle nous apparaît donc comme un concept spécifiquement humain qui a pour fonction de donner un sens à notre vie. L’humain a besoin de se sentir libre afin d’assumer pleinement son existence. C’est à cette fin qu’on a cru bon, au cours des civilisations, d’instaurer un système de valeurs à partir duquel fut érigée une soi-disant liberté.