Marie Uguay : L’outre-vie
Un grand hommage à Marie Uguay se prépare dans le cadre de l’exposition Le canal de Lachine 1825-2005 – La part des femmes. Rencontre avec Stéphan Kovacs, titulaire de l’œuvre de la poète.
"Je suis certain que Marie serait très contente de voir que son œuvre circule ainsi encore aujourd’hui, et qu’elle serait très touchée par ce genre d’initiative." Premier lecteur des textes de Marie Uguay, Stéphan Kovacs fit la connaissance de la poète à l’université, en 1975. Il partagea la vie de celle qui est née sous le nom de Marie Lalonde en 1955 (Uguay fait écho à son grand-père) jusqu’à sa mort, en 1981, dans un petit appartement du quartier populaire de Ville-Émard. C’est précisément dans ce quartier, à la Maison de la culture Marie-Uguay, que la Société de promotion du canal Lachine a décidé d’honorer la poète, ainsi que 47 autres femmes par le biais de différentes activités.
Le 16 septembre se déroulera cette soirée animée par Marie Tifo et Pierre Curzi, qui liront également des pages du journal de Marie Uguay, récemment publié aux Éditions du Boréal sous la direction de Stéphan Kovacs. Kovacs n’est pas des organisateurs, mais on lui a demandé son avis sur plusieurs points. "Puisqu’il s’agit de rendre un hommage, j’ai proposé certaines personnes comme Jean Charlebois, qui connaissait bien Marie, ou la comédienne Sylvie Léonard, sa cousine, de qui elle était très proche dans la petite enfance et à l’adolescence, ou encore Jean Royer, qui avait réalisé des entretiens avec elle. Ensuite, ça prenait des poètes." Dix-huit poètes liront donc lors de la soirée, dont Denise Boucher, "qui a aussi bien connu Marie", Claude Beausoleil, Jean-Paul Daoust, Michel Garneau, Suzanne Jacob, Hélène Monette, Nicole Brossard, Michèle Lalonde et Kim Doré. Le cinéaste Jean-Claude Labrecque, dont le documentaire Marie Uguay sera présenté à la fin de la soirée, interviendra aussi. "Ces poètes liront leurs textes à eux et ensuite il y aura l’hommage, durant lequel ils liront les textes de Marie Uguay. Il s’agit de gens très enthousiastes à l’idée de rendre hommage à cette femme et à cette œuvre."
PRÈS DES YEUX, PRÈS DU COUR
L’événement gratuit comprend un premier volet, L’Âme rapaillée, où Chloé Sainte-Marie proposera une version chantée des textes de Gaston Miron, mais l’ensemble de la soirée est dédié à la poète que l’on connaît un peu mieux depuis peu grâce à la publication de ce Journal et d’une nouvelle anthologie (Poèmes, Boréal, 2005) qui regroupe ses trois recueils et un grand nombre d’inédits. Avec le journal, l’auteure qui offrait déjà une poésie simple et communicative pourrait rejoindre un public plus vaste: "Pour la plupart des gens, lire un journal apparaît plus simple. Je trouve que ça rend service à la poésie d’une certaine façon, surtout que le journal est parsemé de poèmes."
L’œuvre de la poète étant déjà qualifiée d’autobiographique, cette publication vient jeter un éclairage supplémentaire sur son processus de création, sans pour autant tomber dans la redite, l’anecdote. "C’était ma crainte, au départ, que le journal calque trop sa poésie. Or, ce sont deux œuvres vraiment distinctes et autonomes. Même s’il y a des poèmes dans le journal, il faut aussi lire sa poésie seule. Ce sont deux créations, deux objets indépendants."
Les comédiens-animateurs, en qui Kovacs place toute sa confiance, liront donc plusieurs extraits de ce nouvel objet littéraire qu’est le Journal: "J’ai pris 20 ans pour l’organiser. J’ai fait ça tout seul et j’avais besoin de recul, vu l’émotivité entourant ce projet. Je n’ai demandé conseil à aucun écrivain, comme je l’avais fait à l’époque. J’avais fait ça d’une manière trop rapide; j’étais plus jeune, j’avais moins d’expérience sur le plan littéraire. Mon premier problème, quand j’ai commencé à travailler sur le journal, c’est que j’étais trop près de Marie (ndlr: il a commencé tout de suite après sa mort) et qu’un recul s’imposait. Il s’agit aussi de ma vie, c’est bouleversant. Après, ce fut une problématique plus littéraire. Si j’ai tout de suite senti qu’il y avait là une valeur littéraire, il a fallu que je me donne le temps de mûrir moi-même pour avoir un regard rigoureux sur ce type de journal."
Kovacs a très hâte à la soirée, mais avoue une certaine fébrilité: "J’ai tellement été impliqué que ses poèmes m’habitent vraiment encore de la même manière qu’à l’époque. J’étais présent à chaque étape, au quotidien, et même dans la construction des recueils. J’ai l’impression de les connaître comme si c’était moi, presque, qui les avais écrits." L’hommage sera une occasion exceptionnelle d’entrer en contact avec l’œuvre, surtout parce que les textes seront parfois livrés par des gens qui l’ont connue, et aussi parce qu’ils ont souvent été écrits dans ce quartier.
Le 16 septembre
À la Maison de la culture Marie-Uguay
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