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Quand les nuages se prennent par la tête…

" Hey le voisin, tu trouves pas qui fait chaud en maudit pour une fin de mois de Septembre? " me lançait cet après-midi mon voisin, tel une passe de toucher, dans la zone des buts de la fatigue culturelle! Je lui ai répondu que je ne croyais pas que le mercure avait besoin qu’on parle de lui, puisqu’il n’a pas été porté disparu par les forces policières. Il est donc parmi nous, il crèche dans les truites, les flétans, mais aussi dans tous les autres poissons qui font de leur rencontre avec autrui des hymnes à la température! Je lui ai poliment fait remarquer que ce ventripotent soleil que ma mère m’a toujours interdit de regarder lorsque j’étais petit, pour ne pas me trémousser la tête comme Stevie Wonder, était aussi futile à ma vie que les courses de furets dans le Dakota du Sud! Je lui ai serré la main et il a continué de me parler de cette voûte pluvieuse qui allait bientôt attaquer. " Tu vas voir, ça va tomber comme des clous en milieu de semaine. " J’avais le goût de lui rajouter que j’espérais que ces clous ne soient pas rouillés, puisque je n’étais pas vacciné contre le tétanos! Il est entré chez lui avec la certitude que nous profitions de la clémence d’un grand manitou hyper-cool! Nous étions probablement derrière cette barricade érigée par l’été des Indiens, à lutter contre l’avachissement des particules brûlantes. Demain on nous lancera des gros clous, alors il fallait en profiter, à la limite toucher du bois, avant qu’il se transforme en habitats hivernal!

Aujourd’hui, la fin de l’été m’a semblé un peu plus délinquante qu’une saison habituellement arrivée en bout de course et affaiblie par un règne politiquement irrégulier de trois mois! Cette saison des pommes m’est apparu démagogique, voire totalement déplacée en me proposant de corrompre ma ballade fugitive vers la froideur recroquevillante de l’automne, plutôt que de somnoler sottement dans les allées jaunes de la chaleur-minute! C’est avec la chevelure sirotée par un ongle solaire, que je me suis mis à penser qu’il serait grand temps que je ferme les yeux et que j’oublie justement les accoutrements étriqués des saisons. Vivre à l’intérieur de compartiments météorologiques ou être ce foutu gros berger allemand oublié de tous et niché dans une cabane brune, où est la différence fondamentale qui me ferait émoustiller les os, qui me ferait aimer ma prison floconneuse? À nous entendre, nous avons quelque fois l’impression que nous sommes encore des chasseurs et que le moindre coups de vent nous sera inconfortable au moment de trapper le lapin ou le chevreuil! Quand j’observe mon voisin, je sais très bien qu’il n’est plus braconnier, puisqu’il n’est même pas capable d’attraper la grippe quand elle se pavane dans la brume et sur les rampes d’escalier!

La météo nous apparaît comme du ciment infiniment paralysant dans lequel nous avons placé nos cordiaux échanges et nos façons de goûter à l’incandescence terrestre. Quand la première chose qui nous vient à l’esprit en rencontrant un membre de notre espèce est de nous questionner sur les gouttelettes de pluie qui viennent de se suicider sur nos vitres de voiture, c’est qu’il y a un maudit problème! Cette lassitude, telle une grosse ondée aplatie dans le windshield, débarque de l’air ambiant comme un Père Noël éméché. Le temps qui fait dehors n’est pas juste le décor d’une autre journée à tourner autour d’un astre, mais le personnage absurde d’une pièce de théâtre écrite par une main mal emballée! Et si je vous proposais un échange autour de la constipation, de la purge israélo-palestinienne ou de l’odeur du ketchup qui colle sur le corps, m’accorderiez-vous le puit assoiffé de votre oreille? J’en doute, puisque mes sujets de conversations sont habituellement aussi peu populaires qu’un chien trempé qui pue et qui demande asile dans le bungalow! Le mot " température " est celui qui se place le mieux sous notre langue; c’est notre acide, notre ecstasy, notre pilule du lendemain. Pour faire avorter ce silence qui vient se blottir quand on a rien à dire! Avons-nous à ce point besoin entre les mâchoires, des feuilles d’érable mouillées, des bancs de neige trop volumineux ou de ces aisselles pleureuses de canicule pour rejoindre nos contemporains! Il y a dans ce sang qui gémit à peine sous les coups de fouet de la platitude, trop de pression atmosphérique et pas assez de globules excentriques! Nous avons si souvent la pluie et le beau temps en bouche qu’on a l’impression que notre ultime façon de s’exciter est d’offrir à Dame Nature un cunnilingus de clichés et de salive perdue! Elle aime certes cette caresse infatigable, mais pensons un peu à nous; passer sa vie entre les jambes de la météorologue finit par donner la nausée!

Enfant, ma mère ne voulait pas que je me baigne quand les orages sortaient des chemins que fréquentaient les corneilles et les boeings 747. Elle disait que la foudre me trouverait et qu’elle allait me déchiqueter peu importe où je me cacherai! Et cela, même si je me baignais naïvement dans la piscine familiale avec un ballon de plage aussi imbécile que gentil! Étais-je à ce point bagarreur et innocent au point de m’offrir en duel avec l’uppercut impitoyable d’une chaleur venue des nuages? Déjà que nous avions Dieu au-dessus de notre maison-mobile pour nous électrocuter la conscience, alors je devais impérativement quitter ce ring circulaire et laissez Zeus punir les chevaux téméraires, les vaches bucoliques et la grange d’un voisin qui pratiquait la sodomie avec ses porcelets! Je trouvais donc superflu ce coureur ultra rapide qui fendait les arbres et foudroyait le Fer 4 des golfeurs baveux et insensibles à son alerte! Pour une fois qu’une création venue de l’azur pouvait nous carboniser comme une guimauve qui lance un défi insensé à un feu de camp, justement alimenté par ce bois tombé au combat des intempéries!

Soyons francs, le tonnerre ne pouvait pas me toucher puisque j’étais un enfant né d’une génération immortelle où le happy ending, Passe-Partout et les gardiennes à la voix d’endorphine nous apprenaient que la mort ne fornique qu’avec les vieux et les habitants des pays en bas de la ceinture équatoriale. Ainsi, le fait de naître à proximité d’un PC, la main sur une souris fabriquée en Chine, ne me provoquerait que pour m’apprendre que la vie na pas de sens, puisque les lettres sur mon clavier ne sont même pas dans un ordre alphabétique! À quoi bon inventer les histoires qui me sauveront, puisque devant moi tout est arrangé pour me clouer à l’inertie du désordre. Nous étions si loin de cette touche " delete " de la jungle, de la nature indomptée des autres mortels, qu’ils nous arrivaient pratiquement jamais de penser qu’un jour nos bouches cesseraient de mépriser un mois de Juillet aussi larmoyant qu’un épisode de soap américain! Absolument rien ne pouvait nous débrancher le cour de cette ligne haute-tension où notre vie ne tenait jamais à un fil, mais à un amas de ficelles manipulables. Pinocchio mentait à Geppetto alors que moi je mentais à ma mère en disparaissant dans l’électricité statique d’une bonne branlette!

Pour perdre la vie, il fallait presque sortir la langue et embrasser les orifices de la prise de courant comme si nous avions à faire à une page centrale d’un magazine pour adulte! Nous étions solennellement des super-héros nés pour philosopher sous des mains aussi abondantes et fournies que les pubis des années 70! Nous n’avions pas de tremblements de terre, de volcans, d’alligators ou d’Adolf Hitler dans nos paysages québécois, alors nous étions obligé d’attendre et d’observer en silence cette vie comme si elle était un long téléchargement d’un film muet sur internet. Quand tout ce cinéma se retrouvera à l’intérieur de notre corps, il ne restera plus qu’à inventer des dialogues entre nous pour comprendre que nous ne venons ni du ciel, des mers ou du centre de la terre. Nous venons de ce jour cancérigène qui accouche sempiternellement de triplets : parapluie, crème solaire et bottes de skidoo! À quand cette journée qui sera énuclée de son noyau de lieux communs? Un jour de semaine intransigeant qui vendra tous ses arcs-en-ciel au pawnshop, pour s’acheter de quoi lire. Juste ce petit quelque chose jardinant nos crânes avec des vers sonores qui surgissent du sol et qui se lovent quand le temps s’arrête et qu’il ne pense plus qu’à l’éclosion. Et bien ce jour était dans le jardin avec les bégonias, les chrysanthèmes, les tournesols et les vivaces, mais nous l’avons confondu avec le chiendent! Nous l’avons arraché comme une gale sur le point de guérir, pour mieux parler au voisin de ce temps de cul qui nous empêche de jouir de tous ces coloris à naître.

On nous enterre toujours face contre ciel, pour qu’il nous dise à perpétuité, que nous n’avons été qu’une prédiction à long terme, une averse trop souvent printanière qui ne fait dériver aucune rivière, qui n’érode aucun rocher, qui ne nourrit aucune autre personne, que celle que l’on protège des instants défunts où la pluie battante est une musique qui nous ensevelit lentement dans ces trous fabriqués par les autruches.

Regarde autour de toi, il parait que ça tombe comme des clous.