Bon. J’ai les chips, la liqueur, le vin, la bière. Est-ce que j’ai oublié quelque chose ? Merde ! Les cigarettes. Des Du Maurier pour tout le monde et des More à la menthe pour Lili. Sarah arrivera un peu plus tard. Il ne faut pas oublier que Myriam est allergique aux nois, vérifier tout ce que je sers… Câline ! Déjà quelqu’un à la porte. Ohhhhhhhhh ! Il faut que je mette ma gaine avant d’aller répondre, il faut absolument que je maigrisse, j’en ai marre d’avoir deux culs. O.K., allons-y. Ah ! C’est Myriam. Tiens tiens, plutôt rare qu’elle arrive la première.
– Salut Myriam.
– Salut Brigitte ! Oh, t’a pas bonne mine ! Et t’a oublié de mettre ta gaine ? Ou alors tu as encore grossi ?
– Je viens de la mettre, merci.
– Désolée
– Aller, t’inquiète, j’engraisse simplement en regardant un livre de cuisine alors…
C’est une originale, Myriam. Elle a une forte tendance à oublier de réfléchir avant de parler, mais bon, tout le monde à ses défauts, non ? Début trentaine, courant les aventures, maigre comme une échalote, on voudrait la croire boulimique parce que sinon, c’est injuste qu’elle puisse ingurgiter deux pointes de pizza et trois barres de chocolat sans prendre une livre, ça donne envie de tuer juste d’y penser. Elle est aux antipodes de lili. D’ailleurs, la voici qui arrive celle-là. Lili, le summum de la gentillesse, à un point tel qu’ à la longue… ça écoeure ! C’est la parfaite-petite-infirmière, célibataire elle aussi parce que, dit-elle " elle n’est pas vraiment à la recherche de quelqu’un pour l’instant. "
– Salut les filles, j’ai pu me libérer. Oh, Bridge, tu es super belle, il me semble que tu as maigri toi, non ?
Qu’est-ce que je disais ? Rien de mieux que Lili pour partir sur un " high ".
– Ben non ! Elle est toute ballonnée !
Et boum ! Rien de mieux que Myriam pour retomber, assez durement ma foi, sur terre. Il ne manque plus que Sarah, la féministe-qui-se-tape-un-homme-marié.
– Sarah n’est pas là ?
– En principe, elle devrait être arrivée. Elle doit être en train de geuler dans une émission de Claire Lamarche pour exprimer à quel point les femmes ne sont pas les égales des hommes, mais bien leur supérieures !
– Ha !Ha !Ha ! On ouvre un sac de chips ? J’ai faim.
– T’as toujours faim, Myriam. Vas-y, on va commencer sans elle. Apporte à boire en même temps.
– Oui, une cuite, ça se commence de bonne heure, hein Lili ?
– Oh, je suis pas sûre… de… de… boire.
– Quoi ???
– Écoute Myriam, je supporte pas bien l’alcool et…
– Non non non, pas d’excuses, cette fois-ci tu bois avec nous et tu dors ici, sinon je te renie, Liliane Beauchemin.
– O.K., si tu insistes…
Elle est assez persuasive quand elle veut, Myriam.
– Ton chum rentre pas coucher, Bridge ?
– Y’a pas trop de chance. Si tu arrêtais de te regarder le nombril de temps en temps, tu saurais qu’il ma larguée, il y a un mois, et que ça fait un mois que je braille pis que, là, j’essaie de penser à autre chose.
– Oh… désolée. (elle n’a pas l’air désolé du tout). Était-tu au courant Lili ?
– Heu… ben…
– Bon, on commence à boire ? Ça, c’est le scotch que ce crotté là m’avait rapporté de voyage à Cuba. C’est ben la seule chose de bonne qu’il m’ait apporté !
– À l’amitié ! Chin !
– Chin !
– Chin !
– Et à la franchise !
Tiens, ce n’est pas le genre de Myriam de porter un toast comme ça, d’habitude c’est plus
du genre : " À mon nouveau vibrateur " ou " Aux hommes bien amanchés ", il y a quelque chose qui se trame.
– On s’en reprend un autre ?
– Encore ?
– Vas-y fort ma Bridge.
Ouf ! On est déjà au quatrième verre, je pense que je vais aller chercher le vin.
– T’avais pas du vin, bridge ?
– Tu lis dans mes pensées, Myriam.
– Oh, je commence à avoir mal au cour.
– Et que t’es pas faite forte, ma Lili. Une chance que t’as des amies autour de toi pour te supporter !
– Ouin ? Donne-moi la bouteille, tu vas voir !
Est-ce que c’est moi qui rêve où il y a une tension sous-jacente ?
– Vous savez à quoi ça fait longtemps qu’on a joué les filles ?
– À quoi, Myriam ?
– À " vérité ou conséquences ".
– Oh God ! que de souvenirs. Lili, te souviens-tu quand tu avais pris une conséquence et que tu avais dû embrasser le gros Mario ? Ha ! Ha ! Ha !.
– Il avait pas une blonde, lui ?
– Heu… je me souviens plus.
– Alors, Brigitte, une vérité ou une conséquence ?
Bon, c’est toujours moi en premier
– Vérité, je prend pas de chance, la dernière fois que j,avais pris une conséquence, tu m’avais fait laver ta salle de bain de fond en comble Myriam.
– Oui, j’avais jamais vu ma salle de bain aussi clean ! O.K., c’est qui le premier gqrs avec qui t’a couché ?
– Hum… Question déloyale.
– Come on ! Bridge !
– Bon… Mathieu Perron.
– Ahhhhhhhhhhh ! Pas le laid à boutons ?
– T’es ben méchante ! il était pas laid !
– Ouin, si tu veux…
– O.K., toi Myriam, une vérité ou une conséquence ?
– Une vérité.
– C’est qui le premier gars avec qui t’a couché toi ?
– Pierre-Yves Hubert.
– Yark ! Juste le nom sonne têteux.
– Tu te trompes sur toute la ligne Bridge, il était beau, drôle, intelligent et… gay !
– Gay ?
– Ouais, il s’est affirmé quelques années plus tard.
– Un autre verre les filles ?
– O.K.
Pour une fille qui avait mal au cour, Lili se laisse aller…
– Dis donc Lili, vérité ou conséquence ?
– Hum… non, je ne veux pas jouer, c’est enfantin.
– Aller, Lili, s’il te plait !
– Non Myriam, ça me tente pas
Je me met de la partie, après tout, c’est un jeu amusant quand tout le monde y participe.
– Aller Lili, sois gentille.
– O.K., O.K. d’abord, vas-y Bridge.
– Non, moi ! Je veux lui poser une question !
– Ben vas-y Mimi, moi j’ai rien à demander.
– Lili, c’est qui le dernier gars avec qui t’a couché ?
– Bon, ca va faire. ÇA te démange, hein, Myriam ?
– Il se trouve que oui.
– Qu’est-ce qui se passe les filles ?
– Tu tiens absolument à ce que je lui dise, hein, tu penses pas que ça pourrait la blesser ?
– C’est mieux que d’être hypocrite en tout cas.
– Les filles ?
– La compassion, ça te dit rien ?
– Et toi, la franchise ?
– LES FILLES ! Ça suffit ! Vous allez me dire ce qui se passe ?
– Il se passe, Brigitte, que Myriam ne peut pas supporter que je sorte avec ton ex depuis qu’il t’a laissé. Moi, je voulais pas te le dire tant que t’avais pas fait ton deuil, mais là…
– Quoi ?… Qui ?… Toi ?
Attendez un instant. Est-ce que j’ai raté un bout de l’histoire ? Lili ? La douce, l’innocente, la parfaite-petite-Lili se tape mon ex ? Dans mon dos ?
– Écoute Bridge, je…
– Depuis combien de temps?
– Je…
– DEPUIS COMBIEN DE TEMPS ?
– Il t’a laissé pour moi. Écoute Bridge…
– Non, non, tu sors d’ici, je te reparlerai quand j’en serai capable…
– Mais Brigitte…
– SORS !
Elle s’en va. Pourquoi, Pourquoi elle ? Pourquoi Lili, pourquoi la douce Lili ?
– Brigitte, tu veux que je te serve un verre de vin ?
– Tu le savais depuis quand ?
– Bridge ?
– Tu le savais depuis quand, Myriam, répond.
– Depuis qu’il t’a laissé pour elle.
– Sors.
Bon, elle est partie. C’est ça l’amitié ? Se faire rentrer des couteaux dans le dos ? Oh merde, ça sonne, si c’est Lili qui revient, je la garroche en bas des marches et je m’en sers comme tapis de bienvenue. Ah, non, c’est Sarah qui est là avec un grand sourire et une bouteille de scotch. Comme si j’avais besoin de ça !
– Salut Bridge ! C’est les filles que je viens de voir tourner le coin ? Scuse-moi d’être en retard, j’ai été retenue. Ah, t’as pas mis ta gaine toi, t’as l’air un peu enflée.
– Mange de la marde.
Je ne savais pas que claquer une porte pouvait être aussi thérapeutique.