Erik Orsenna : Les sentinelles de l'air
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Erik Orsenna : Les sentinelles de l’air

Erik Orsenna nous revient avec Dernières nouvelles des oiseaux, un conte nous invitant à faire fi des conventions, afin de prendre de l’altitude.

Avez-vous déjà entendu parler du Airbus A380? C’est le géant des airs, le plus gros avion commercial jamais construit, en circulation dès 2006. L’académicien, président du Centre international de la mer et auteur français Erik Orsenna, s’est vu approché afin d’écrire le texte d’un livre de photographies décrivant la construction du bolide aérien. Visitant les différents sites européens d’Airbus en Espagne, en Allemagne, au pays de Galles et en France, il a rencontré des personnages un peu en marge, singuliers, habités par leur métier. "J’ai alors eu l’idée d’écrire un conte qui réunirait ces talents d’exception et ces lieux magiques. J’en ai parlé à Airbus; ils ont été séduits. Par ailleurs, mes pérégrinations me conduisent assez souvent dans les cours d’école, ce qui m’a convaincu de prendre les enfants pour héros" (entretien avec François Busnel, Lire, 2005).

Au cœur du conte, sept enfants, sept cancres passionnés: Javier, "le fou d’escaliers", Morwenna, "l’amie des ailes", Étienne, l’obsédé du déménagement, Victoria, celle de la mécanique, Hillary, qui rêve de boîtes, puis Thomas et Hans, le maître des colles et le collectionneur de nuages. Ils se retrouvent réunis sur une île déserte par le "président", un homme aussi étrange que madame Mc Lennan, directrice de l’île et Sir Alex, sorte de moine zen britannique, ancien entraîneur de football, qui les reçoivent. Mais pourquoi tout ça? C’est que, voyez-vous, le président a un projet: récompenser "des travailleurs qui ne supportent que la liberté", des allumés solitaires. Or, quelques jours après leur arrivée, une tempête fond sur l’île, causant des dommages irréparables. Le courant est coupé, impossible d’appeler à l’aide. Provoquées par l’épreuve, les solitudes s’unissent et se mobilisent autour d’une seule solution: s’envoler de là.

Même si d’ordinaire "une passion isole […], isole de tout, des autres, de la vie, isole du reste du monde tout autant que la mer", voilà que leurs passions respectives se greffent au même espoir. Les jours passent dans l’effervescence des grandes découvertes, avec en coulisses les doutes, les éclairs de génie, les amitiés qui se scellent. À un moment, un bateau de secours se pointe. Il quitte l’île sans eux. Chacun retourne à sa tâche. L’avion n’est pas fini. Voler ou ne pas voler, telle est la question. Y répondre est impératif et demandera des perles de folie aux apprentis Robinson Crusoé.

Tant par la justesse de ce ton faussement innocent que par les magnifiques illustrations de Santiago Morilla ponctuant librement le récit, Dernières nouvelles des oiseaux s’inscrit dans le sillon encore éclairant du Petit Prince de Saint-Exupéry. Après Les Chevaliers du subjonctif et Portrait du Gulf Stream, l’ex-conseiller culturel et scripteur des discours de Mitterand propose un conte d’un humanisme résolu nous ramenant non seulement aux pouvoirs de l’inspiration et du partage, mais à la grâce de se laisser posséder par les idées les plus scandaleuses, les plus déraisonnables.

Dernières nouvelles des oiseaux
d’Erik Orsenna
Éd. Stock, 2005, 141 p.