Guy Gavriel Kay : Fantasy militaire
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Guy Gavriel Kay : Fantasy militaire

Guy Gavriel Kay n’a pas son pareil pour écrire des histoires à grand déploiement. Le Dernier Rayon du soleil ne fait pas exception, sauf que…

L’auteur torontois n’est pas connu pour faire dans la modération. Chacun de ses romans de fantasy historique explore avec un impressionnant souci du détail les méandres sinueux de notre passé (et de notre présent, ajouterait-il sans doute), mais sous la forme d’un récit construit dans un univers parallèle, illuminé la nuit par deux lunes. Guy Gavriel Kay puise son inspiration dans l’histoire, la réinvente à sa façon, puis la fait briller de toute la splendeur de son imaginaire débordant. Ce n’est pas pour rien que ses lecteurs attendent avec impatience chacun de ses romans. Lire un Kay, c’est comme plonger dans un monde déroutant, mais curieusement familier.

Ce n’est pas un hasard. Dans Le Dernier Rayon du soleil, Kay évoque la grandiose épopée des Anglo-Saxons à l’époque d’Alfred le Grand (il fut roi d’Angleterre de 871 à 899), alors que son territoire était encore la proie des raids organisés par les Vikings, de féroces combattants qui n’épargnaient pas non plus les Celtes. Dans le roman, les trois peuples qui s’affrontent à coups d’épée sont respectivement baptisés Anglcyns, Erlings et Cyngaëls, et leur destin est sur le point de changer, à la suite d’une série d’événements catalyseurs. Ces incidents prennent place à la croisée de plusieurs histoires parallèles – celles de Bern Thorkellson, un Erling voué à une vie de servitude qui s’est enfui de son île natale; Alun ab Owyn, Cyngaël, prince de Cadyr forcé d’apprendre les dures leçons de la vie alors qu’il s’apprêtait à voler du bétail; Thorkell Einarson, le père de Bern devenu esclave des Cyngaëls après avoir chevauché auprès du légendaire Volgan; et Ceinion Llywèrth, grand-prêtre des Cyngaëls que le roi Aëldred, le chef des Anglcyns, aimerait bien attirer dans son camp.

C’est à travers les yeux de ces principaux personnages que Kay tisse la toile complexe de son roman à plusieurs niveaux. En plus de décrire l’existence de trois peuples aux religions et croyances distinctes, l’auteur s’intéresse aux relations père-fils, à l’imprévisibilité de la vie, et aux changements. Une petite fée trop curieuse et une forêt habitée par des esprits contribuent quant à eux à l’aspect fantasy de l’intrigue, en plus de confronter les personnages à leurs superstitions ancestrales. Les fans repéreront aussi ici et là de subtils clins d’œil aux Lions d’Al-Rassan et à la Mosaïque de Sarance. Pas de quoi déranger les lecteurs non avertis, toutefois. Puis, même si elles n’ont pas de premiers rôles, les quelques héroïnes du roman – Kèndra et Anrid, notamment – sont essentielles à l’aboutissement de l’intrigue.

Tous les éléments sont réunis pour faire du Dernier Rayon du soleil une saga épique à la hauteur des précédents romans de Kay, sauf qu’en évitant d’entrée de jeu d’inclure à son intrigue une quête précise, on a l’impression que l’auteur s’est contenté de mettre en scène de petites histoires qui ne trouveront pas leur dénouement. Pas qu’il faille à tout prix une bonne raison pour lire un livre superbement écrit, habité de personnages attachants et parsemé de batailles épiques, mais son absence rend le résultat incertain. Puis, alors qu’on ne l’espérait plus, les pièces du casse-tête se mettent en place dans les derniers chapitres. Tout est donc bien qui finit bien, puisque la fin justifie les moyens.

Le Dernier Rayon du soleil
de Guy Gavriel Kay
Éd. Alire, 2005, 576 p.