Patrick Nicol : Éloge de la fuite
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Patrick Nicol : Éloge de la fuite

Patrick Nicol nous présente cet automne La Blonde de Patrick Nicol, un roman-miroir alliant désir et fatigue existentielle.

La première question du lecteur: ce Patrick Nicol, c’est l’auteur ou un personnage du roman? Le livre nous invitera à comprendre qu’au bout du compte, cela importe peu. Car en entrant chez Patrick Nicol, la première chose que l’on voit, ce n’est pas un homme en train d’écrire, ce sont les pages d’Anna Karénine éparpillées un peu partout. Ce désordre est celui d’un type au cœur d’une double dépossession: plus de compagne, plus d’emploi. Le pourquoi du comment de son célibat? La négligence. Celui de son récent néant professionnel? L’exaspération, le vertige: "J’ai l’impression d’avoir travaillé dans un poulailler, dans un moulin à vent, dans un bain dont l’eau fuyait en tournant; j’ai l’impression d’avoir travaillé dans une porcherie en feu au temps de l’Inquisition." Il se retrouve donc seul à s’occuper de sa fille, à "marcher dans la maison, toutes lumières éteintes" parfois, au milieu d’une vie allant devenir aussi éparse que les pages de Tolstoï sous son toit.

Aux prises avec ce double drame privé, notre narrateur ne plongera ni dans les larmes ni dans l’alcool, encore moins dans le lamento aux mille violons de l’homme brisé; non, sa fuite sera tout autre: "[…] je n’aspire plus à rien d’autre qu’à aimer et jouir, comme si toutes les autres façons d’être pour l’avenir et à l’infini me répugnaient […]." Aimer l’amour, sa possibilité, jouir de chaque désir, de chaque femme en orbite autour de lui, de façon platonique ou charnelle. À l’exception de Catherine, les trois autres pôles d’attraction de sa libido s’avèrent des femmes mariées ou en couple: une ancienne collègue névrosée qu’il baptise Lady Chatterley; sa voisine, sans nom; et la fameuse Lyne, une amie, qu’il jouera à séduire de conversation en conversation. Des femmes adultères, des Anna Karénine. Elles le poussent toutes à se rendre "utile"… "Il n’y a rien de plus utile et nécessaire que de ramener quelqu’un à sa peau, aux rêves qu’elle fait lorsque les nerfs ont fini de l’étourdir."

À ces jeux de désir se juxtaposent des jeux de miroir: un jour, Patrick Nicol rencontre son homonyme, Patrick Nicol: "J’aime bien le dire comme ça. J’ai fait ma rencontre dans le stationnement d’un centre commercial. […] On semblait se reconnaître sans se replacer tout à fait." D’une certaine manière, cet homme, ce professeur de littérature, se proposera à nous comme une esquisse du vieux Patrick Nicol, celui d’avant la rupture, le burnout, celui antérieur aux aventures, à l’errance.

Lauréat du Grand Prix littéraire de la Ville de Sherbrooke pour Les Années confuses (1996) et du prix Alfred-Desrochers pour Paul Martin est un homme mort (1997), Patrick Nicol propose ici une œuvre d’une fausse simplicité, habile et inventive, faisant se succéder scènes et dialogues de façon imprévisible. Une initiative d’écriture louable dont les résultats, parfois, sont plutôt embêtants. La prose toujours bien calibrée parvient toutefois à éluder le manque de portée de l’ensemble qui, en bout de piste, constitue un bon roman moyen.

La Blonde de Patrick Nicol
de Patrick Nicol
Éd. Triptyque, 2005, 95 p.