Beaux livres : Beaux, bons… et chers!
Livres

Beaux livres : Beaux, bons… et chers!

Histoire de guider nos lecteurs dans leurs achats cadeaux ou plus simplement dans leurs choix de lecture, nous publions cette semaine une série d’échos à des bouquins récents, à commencer par une sélection parmi l’abondant cru 2005 des beaux  livres.

Musique

Rock’n’roll Babylone
de Gary Herman

Le sous-titre de ce livre est évocateur: "50 ans de sexe, de drogues et de tragédies". Une véritable anthologie du fait divers décadent des gens riches et célèbres du monde de la musique rock et pop, des origines (le début des années 50) à nos jours. Le journaliste britannique nous entraîne depuis les coulisses du showbiz jusqu’au fond du caniveau et nous met le nez dans la merde d’une large constellation de stars (près de 500 noms en index, de la groupie Margaret Trudeau à la muse Marianne Faithfull, d’Alice Cooper à Frank Zappa). Pour notre plaisir de voyeur (car le livre est abondamment illustré), on vacille entre le journal à potins croustillants ou morbides et l’étude sociologique sur les conséquences que la gloire et les pressions de l’industrie de la musique peuvent avoir sur les idéaux de rébellion des idoles. Jouissif parce que pathétique! Éd. Denoël / X-Trême, 2005, 350 p. (S.H.)

Document
Je lis Montréal
Collectif

S’il n’est pas si évident que Montréal soit, cette année, la Capitale mondiale du livre, la publication bilingue Je lis Montréal ramène efficacement le livre, la lecture et l’écriture dans le quotidien des citadins. On y fait le tour de certaines librairies (phares importants et souvent négligés de la chaîne du livre), de quelques activités littéraires, et de lieux consacrés à la littérature. Par des photos souvent originales, on met des visages sur des artisans du livre (relieurs, réviseurs, infographistes, directeurs littéraires), on montre des écrivains et on laisse la parole à certains d’entre eux (Yolande Villemaire, Bruno Roy…) qui nous parlent des résonances de Montréal dans leur travail et leur vie, dans leur passé et leur présent. Éd. de l’Homme, 2005, 127 p. (S.D.)

Photographie
Oiseaux de proie
de Carlo Hindian et Carl Millier

La buse, l’épervier, l’aigle, le vautour, le hibou… De tout temps, l’oiseau de proie a fasciné l’être humain qui a développé avec celui-ci une relation d’amour-haine. Symbole de puissance prédatrice, mais aussi de fragilité, il compte plusieurs espèces en voie de disparition, victimes de la chasse, de la pollution et de la destruction des milieux naturels. Carl Millier, qui exerce l’art millénaire et marginal de la fauconnerie, s’est allié au photographe Carlo Hindian pour réaliser cet album étonnant consacré aux rapaces de la planète. À la fois livre d’art et guide pratique pour l’observation, l’ouvrage contient de nombreux renseignements concernant la biologie de chaque espèce, ses rapports historiques avec les hommes et jusqu’à ses représentations mythologiques dans les différentes cultures. Une découverte passionnante qui ravira les amoureux du monde animal. Éd. de l’Homme, 2005, 158 p. (É.P.)

Album biographique
Hey boule de gomme, s’rais-tu dev’nu un homme?
de Sophie Durocher

C’est un chouette album de famille que Sophie Durocher signe ici autour de l’œuvre et de la vie de Jean-Pierre Ferland. Des anecdotes, des témoignages, des manuscrits, des extraits de chansons inédites, des photos. Outre l’aspect biographique, l’animatrice et journaliste s’attarde à quelques thèmes et passions (motos, chevaux) du chanteur. Moment fort, plusieurs pages fascinantes consacrées à l’écriture et l’enregistrement de Jaune, de Soleil et d’Écoute pas ça, les plus grands albums de Ferland (avec Les Vierges du Québec, hélas traité ici de manière anecdotique). Durocher est une fan et ne s’en cache pas. Ça donne un livre partisan, avec quelques erreurs et imprécisions, mais surtout bouillant de vie, d’infos et d’émotions. Luxueux et précieux. Éd. Libre Expression, 2005, 159 p. (F.H.)

Photographie
Détails obscurs
de Roger Lemoyne

De réputation internationale, Roger Lemoyne braque son objectif depuis 14 ans sur les zones d’ombre des conflits majeurs secouant notre monde. Du Kosovo à l’Irak, du Rwanda jusqu’en Israël, Détails obscurs (préfacé par Céline Galipeau) dévoile des êtres dans l’immédiateté de l’épreuve à travers un parcours photographique en noir et blanc d’une force et d’une portée indéniables. Traversées de rencontres surréelles, empreintes d’une pudeur presque lyrique, les images de Lemoyne procèdent d’une double sensibilité: celle de la conscience sociale alliée à la recherche esthétique. Une œuvre plongeant en apnée dans la cruauté et la ténacité de l’homme, nous invitant à "toucher à la guerre", histoire d’entendre, peut-être, "le cri de la vie sans cesse renouvelée". Éd. Les 400 coups, 2005, 112 p. (B.J.)

Voyage
Inde, sur la route des Jeunes musiciens du monde
de Karina Marceau et Victor Diaz Lamich

Pays de paradoxes difficile à saisir, l’Inde est ici joliment illustrée en mots et en images, tout comme la naissance et l’évolution de l’école des Jeunes musiciens du monde. Appuyés par les photos troublantes de Victor Diaz Lamich, les courts textes de Karina Marceau informent d’abord sur le pays (géographie, climat, société, etc.), puis sur l’école Kalkeri Sangeet Vidyalaya: sa construction, ses activités, ses visées. Les clichés, baignés d’une superbe lumière, subjuguent par leur humanité et leurs couleurs éclatantes. Impossible de ne pas s’arrêter pour contempler longuement ces visages d’enfants aux grands yeux sombres imprégnés de sagesse, dans lesquels on peut presque voir l’âme du monde. Un cadeau qui fera plusieurs heureux, puisque 75 % des profits iront directement à l’organisme, la vente d’un seul livre permettant d’offrir un repas à 30 élèves. Éd. Sylvain Harvey, 2005, 102 p. (S.M.)

Livre d’art
L’Âme des oiseaux
d’André Dion, préfacé par Frédéric Back

Chaque année, comme si les éditeurs se passaient le mot, un thème est archi-exploité dans le registre onéreux des beaux livres. En 2005, il s’agit incontestablement des oiseaux. Heureusement, certains vont au-delà d’une galerie de photos sages et de textes prévisibles, à commencer par André Dion et son éditeur Henri Rivard, bien connu pour les folies éditoriales qu’il nous livre annuellement (rappelons-nous Splendeurs amérindiennes, l’an dernier). L’Âme des oiseaux, c’est, à travers histoires et anecdotes, une grande célébration des mœurs des oiseaux de chez nous, c’est la démonstration des bouleversements que leur a fait subir l’activité humaine; c’est finalement la preuve par la poésie que ces petites bêtes ont non seulement une personnalité, mais bien une âme. Les textes sont bien sûr accompagnés d’œuvres d’art chantant nos petits voisins à plumes. Henri Rivard éditeur, 2005, 208 p. (T.M.-R.)

Photographie
Visages
de Tiziana et Gianni Baldizzone

Ayant déjà consacré à la main un ouvrage illustré (La main qui parle, 2002) qui connut un vif succès en France, en Allemagne et aux États-Unis, les photographes-voyageurs Tiziana et Gianni Baldizzone se sont ici attelés à sonder, l’instant d’un portrait, le génie expressif de notre espèce. Accompagné des commentaires toujours éclairants de Boris Cyrulnik, neurologue, psychiatre et surtout analyste passionné des mœurs humaines, ce pèlerinage en couleurs traversant l’Asie, l’Europe et l’Afrique constitue non seulement une ode au visage, mais à ce qu’on appelle le sentiment, petite chose étrange partagée par 7 milliards d’âmes. Un regard et des lèvres: il n’en faut pas plus pour prouver, une fois de plus, qu’un visage vaut mille mots. Éd. Phébus, 2005, 159 p. (B.J.)

Cinéma
Il était une fois en Italie, Les westerns de Sergio Leone
de Christopher Frayling

Voilà un livre essentiel pour mieux connaître le célèbre cinéaste italien à l’origine du western spaghetti, et comprendre la révolution du genre et son influence sur le cinéma. À lire pour l’analyse de Frayling, qui regroupe plusieurs commentaires de gens de cinéma comme Quentin Tarantino, mais surtout pour les nombreux entretiens, d’abord avec le réalisateur, mais aussi avec Ennio Morricone, avec les acteurs, dont Clint Eastwood et Lee Van Cleef, et avec les différents artisans de ses films comme Tonini Delli Colli, son directeur photo. Le livre comprend 200 illustrations et une entrevue éclairante avec Martin Scorsese qui, au tout début, détestait le travail de Leone. Éd. La Martinière, 2005, 240 p. (S.D.)

Photographie
Missions: Médecins (jusqu’au bout) du Monde
de Gérard Rondeau

Un centre d’échange de seringues la nuit à Paris, une machine à écrire restée intacte sur les ruines d’un village de Sumatra après le passage du tsunami, un entrepôt de vivres de l’ONU et un dispensaire de fortune dressé durant la guerre en Bosnie… L’art photographique de Gérard Rondeau ne consiste pas nécessairement à nous offrir les images les plus choquantes des crises humanitaires qui secouent le monde. Dédiées et consacrées aux médecins du célèbre organisme français qu’il a fréquemment accompagnés en reportage, les photographies de Missions: Médecins (jusqu’au bout) du Monde préfèrent s’attacher au travail en coulisses, aux scènes d’après-tragédie, à ces pansements recouvrant les blessures causées tant par les conflits armés que par les catastrophes naturelles. Un point de vue différent de la planète, à travers l’engagement de ces ultimes combattants des temps modernes. Éd. du Seuil, 2005, 252 p. (É.P.)