Pierre Nepveu : Garder le feu
Pierre Nepveu, romancier, essayiste et poète, recevait récemment le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre. Coup d’œil sur un parcours.
Professeur à l’Université de Montréal depuis 1978, Pierre Nepveu est avant tout un écrivain alerte, prolifique et pluriel. Il commit deux romans: L’Hiver de Mira Christophe (Boréal, 1986) et Des mondes peu habités (Boréal, 1992) et quelques anthologies dont Montréal imaginaire. Ville et littérature (Fides, 1992, en collaboration avec Gilles Marcotte). Si la Métropole s’avère un motif obsédant dans sa pensée, ce sont également les écritures du Québec et de l’Amérique qu’il revisite et interroge. C’est d’ailleurs avec des essais tels que L’Écologie du réel (Boréal, 1988) et Intérieurs du Nouveau Monde (Boréal, 1998, Prix du Gouverneur général) qu’il se penchera sur l’évolution et le profil plus que singulier de la littérature nord-américaine. Deux ouvrages aussi pénétrants que nécessaires.
Avant le romancier, l’anthologiste, l’essayiste, il faut le comprendre, il y a un poète véritable, une poétique, une vision. Les éditions de l’Hexagone sortaient justement cet automne un épais volume au titre énigmatique, Le Sens du soleil, rassemblant les six recueils de l’auteur. Publiée dans la précieuse collection "Rétrospectives", la somme couvre plus de 30 ans de vers et de proses poétiques s’amorçant avec Voies rapides (1971) et débouchant sur Lignes aériennes (2003, Prix du Gouverneur général).
Avec les premiers recueils s’opère une rupture par rapport au chant mythique de la génération d’alors et avec les recherches formalistes du début des années 80. Nepveu construit un lyrisme mesuré où le travail de l’image prend en charge une conscience intime du monde pétrie de désastres et de lueurs incertaines. Avec Romans-fleuves (1997, Prix du Gouverneur général) et Lignes aériennes (se mobilisant autour du démantèlement de l’aéroport de Mirabel), la relation de sa poésie au réel et au politique, déjà très notable, s’intensifie. Dans un entretien accordé à Francine Bordeleau dans Lettres québécoises (numéro 117), il précisait sa posture: "[…] ma poésie se veut un enracinement dans la vie concrète. En ce sens, ma poésie en est une de l’immédiateté." On serait en droit d’attendre de lui, en 2007, une biographie sur Gaston Miron. Un homme qui lui ressemble un peu: vigile de la mémoire, scrutateur passionné de l’ici et du maintenant.
Le Sens du soleil
de Pierre Nepveu
Éd. de l’Hexagone, coll. "Rétrospectives", 2005, 472 p.