Robert Bernier : Esthétisme cartésien
Livres

Robert Bernier : Esthétisme cartésien

Robert Bernier vient tout juste de publier un livre d’art consacré au peintre Claude Le Sauteur. Joint au téléphone, l’auteur explique son choix de dédier un livre à un peintre boudé par les institutions, mais ayant connu le succès  populaire.

Dans le trop peu prolifique monde des livres d’art, la parution d’un nouvel ouvrage est toujours très attendue. Après Riopelle et Tanobe, Robert Bernier consacre son cinquième livre publié aux Éditions de l’Homme à l’œuvre de Claude Le Sauteur.

Né en 1926, Le Sauteur est issu d’une des dernières générations à avoir étudié aux Beaux-arts. Ayant tout d’abord fait carrière comme graphiste, il s’adonnera assez tardivement à la peinture. Dès sa première exposition en 1980, il fut adopté par le public et par les collectionneurs privés. "Étrangement, confie Robert Bernier, Le Sauteur est un peintre qui a très peu intéressé les musées. Il s’est fait connaître grâce à sa propre initiative en exposant et en participant à des campagnes publiques de financement."

Pour Robert Bernier, Claude Le Sauteur est un exemple patent du manque de vision de certains musées qui n’achètent pratiquement plus de peinture contemporaine. "Avant, les musées avaient pour mission de construire leurs collections en soutenant les artistes, souligne Bernier. Vers la fin des années 70, ils ont pris le pari d’attendre que les artistes soient reconnus avant d’acquérir leurs toiles. Résultat, ils achètent des tableaux devenus hors de prix au lieu de constituer leurs collections quand c’est le temps de le faire. Jamais un musée n’a acheté de toile de Le Sauteur, hormis le Musée d’art contemporain de Montréal, qui en a acquis indirectement lors de l’achat de la collection Lavallin."

Lorsqu’on lui demande si le manque d’intérêt des musées pour l’œuvre de Le Sauteur s’explique par le caractère convenu de ses toiles plutôt que par un snobisme institutionnel, Bernier se fait tranchant: "Le Sauteur est sans contredit un des grands peintres du Québec. Sa technique est irréprochable. Malgré la prédominance du sujet, ce n’est pas un peintre d’émotion. Il a une vision esthétique très cartésienne. Ses toiles se rapprochent ainsi de celles des plasticiens. Le travail de la couleur et de la composition, qui rappelle fortement celui de Dallaire, est au cœur de son langage. Le Sauteur est clairement un peintre d’exception. La qualité de son œuvre et ses succès populaires le prouvent. C’est pour ces raisons qu’il était primordial de lui consacrer un livre."

Le livre en question est réussi. Fait en collaboration directe avec le peintre, il présente un portrait de Claude Le Sauteur constitué d’un retour sur ses origines, d’un parcours relatant les grandes étapes de sa carrière et d’une chronologie commentée de ses œuvres principales.

Bernier accorde une place importante à des entretiens réalisés avec l’artiste et à des reproductions de ses œuvres. On peut donc saisir la complexité de ce peintre à la fois par son propre récit, par ses toiles et par l’éclairage que donne Bernier sur le contexte entourant sa production.

À 77 ans, malgré la maladie, la carrière de Le Sauteur est loin d’être terminée. Si l’on en croit Robert Bernier, les plus belles années de l’artistes sont encore à venir. Au-delà des débats d’initiés, les lecteurs pourront se faire eux-mêmes une idée de l’importance qu’occupe Le Sauteur dans notre trop courte histoire de l’art.

Claude Le Sauteur
Robert Bernier
(Éditions de l’Homme)