Haïku : Sentir la terre
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Haïku : Sentir la terre

Le haïku a la cote par les temps qui courent, comme bon nombre de tendances asiatiques.

Court poème dont les origines remontent au XVIIe siècle, le haïku a depuis essaimé de par le monde, et sa brièveté n’est peut-être pas étrangère à l’intérêt qu’on lui porte dans ce monde vivant en accéléré. Poésie de l’instantané pour les uns, anti-poème pour les autres, le haïku ne s’embarrasse généralement pas de métaphores et ne craint pas d’appeler un chat par son nom. Paradoxalement, par sa brièveté même, ce genre poétique restitue l’épaisseur et la durée d’un bref moment, généralement porté par un émerveillement devant le réel.

Le haïku de langue française se porte très bien, et les Éditions David d’Ottawa sont l’une des plus dynamiques maisons dans le domaine. C’est d’ailleurs à cette enseigne que loge André Duhaime, spécialiste du genre qui y a publié une remarquable anthologie mondiale du haïku contemporain. Cette maison publie quelques recueils de haïkus par année, et l’un des plus récents est celui de l’Estrienne Hélène Boissé, qui signe, avec Sentir la terre, son septième ouvrage, et son premier de haïkus. Si certains puristes estiment qu’il faut impérativement respecter la règle des 17 syllabes, l’auteure précise dès le début "qu’un haïku ne se réduit ni se résume à un certain nombre de syllabes".

L’auteure n’hésite pas à affirmer qu’il s’agit là d’une écriture qui transforme et qui s’inscrit dans un présent continuel. À certains moments, la narratrice efface un instant les signes de sa présence pour laisser place à une attention subtile qui se porte vers des instants fragiles et éphémères: "précaires hamacs/toiles d’araignées nouées/à des brins d’herbe". À d’autres moments, les évocations se font plus personnelles: "remplit ma paume/le nœud du bâton de marche/laissé par mon frère". Comme l’indique le titre, il est ici question de sentir la terre et ses éléments essentiels, mais également le passage des saisons qui rythme l’organisation de ce recueil. Malgré le deuil évoqué dans quelques poèmes, la fascination pour la vie l’emporte, soit-elle animale ou végétale. Et qui plus est, les haïkus d’Hélène Boissé savent donner au silence la place qui lui revient.

Sentir la terre
d’Hélène Boissé
Les Éditions David, 2005, 96 p.