Philippe Djian : Femme fatale
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Philippe Djian : Femme fatale

Philippe Djian se ramène avec Doggy bag, roman inspiré des soaps américains, drame familial où les passions et le passé sortent leurs crocs.

Depuis 37,2° le matin (porté à l’écran par Jean-Jacques Beineix), Philippe Djian est devenu l’un des romanciers français les plus connus et traduits à l’étranger. Appartenant sans vraiment le vouloir à la clique des sulfureux de service, à l’instar de Houellebecq et compagnie, l’homme tâte également du texte de chanson, devenu parolier attitré du pote Stephan Eicher. Fasciné depuis ses débuts par la débandade de l’Occident, ses paradoxes, son cauchemar criard et fatigué, Djian fit frétiller les médias en 2000 avec Vers chez les blancs, un roman au fort coefficient pornographique, assumé comme tel, mais dont l’histoire d’amour et la critique sociale furent presque passées sous silence. Il nous revient aujourd’hui avec Doggy bag, saison 1, un roman s’amusant à appliquer les schémas d’écriture des séries télé américaines, à les pervertir, les faire dérailler jusque dans la littérature. Les composantes classiques du feuilleton-savon sont au rendez-vous: mélo, sexe, argent, vengeance, famille, pouvoir, alcool, le tout sous le soleil brûlant d’une sorte de Californie imaginaire.

Tout au long du récit, on suit Marc et David Sollens, deux frères travaillant comme concessionnaires de voitures de luxe, une entreprise héritée de papa. Il y a 20 ans, on l’apprend rapidement, ces deux golden boys se sont presque entretués: un drame passionnel du nom d’Édith. Tout baigne jusqu’à ce matin où, dans une Saab noire, Édith stationne au garage et débarque à nouveau dans leur vie, cette fois-ci flanquée de sa fille Sonia, "très agréable à regarder". Un retour qui fera s’écrouler leurs assises et leurs illusions, au propre comme au figuré… "David levait de nouveau les yeux vers le bureau de son frère quand les vitres volèrent en éclats, dans un fracas épouvantable. Le bureau de son frère s’effondra d’un bloc, comme aspiré dans les profondeurs du sol." Un tremblement de terre qui marquera le début des hostilités et des tractations entre les deux frères. C’est qu’Édith est là, et leur amour, leur désir pour elle le sont aussi. Mais dans quel but est-elle revenue? Ça ne sent pas bon non plus de ce côté-là. Son pouvoir sur les Sollens est presque absolu, même après tout ce temps: "Après vingt ans d’absence. Une ligne où le poisson était encore ferré, se débattait encore à la première tension." Djian tire lentement les ficelles, chauffe à vif la misère des riches en jouant de l’archet sur leurs nerfs, faisant ainsi souffler un vent de guerre et de perdition jusque dans les non-dits.

Imaginez Les Feux de l’amour déjanté, version politiquement incorrecte, avec partouzes et vermouth le matin en extras. Dans un univers aussi glauque que léché, Djian nous sert un cocktail à l’écriture souvent lâche et instable, mais dont l’intérêt, s’il en est, réside ailleurs. Peut-être dans ce portrait d’une Amérique qui pète les plombs en huis clos, peut-être dans l’exercice de style, difficile à dire. Quoi qu’il en soit, les saisons 2 et 3 du projet seront publiées cette année. Si votre télé vous lâche à ce moment-là…

Doggy bag
de Philippe Djian
Éd. Julliard, 2005, 267 p.