Monique Fournier : Ma sorcière mal-aimée
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Monique Fournier : Ma sorcière mal-aimée

Dès la première page du roman de Monique Fournier, le ton est donné et la peur s’installe avec une efficacité redoutable.

Dans un petit patelin du nord-est de la France au XVIIe siècle, Catherine Desportes, une jeune paysanne sans instruction, est enlevée puis conduite au château du seigneur du lieu, où elle se voit accusée de sorcellerie. Ancienne servante chez le fermier général de l’endroit, elle vit en semi-recluse, survivant péniblement grâce au maigre rendement de son jardin, et aussi en faisant des lessives pour les paysans du coin. À la suite d’une série de catastrophes naturelles qui bouleversent l’équilibre précaire de cette communauté isolée, la suspicion des villageois se tourne tout naturellement vers celle qui est perçue par plusieurs comme une étrangère. Accusée par l’épouse de son ancien maître, elle sera rapidement confrontée au redoutable inquisiteur, le bien nommé Thomas de Saint-Just, appelé pour instruire le procès.

Scénariste depuis plusieurs années pour la télévision – notamment pour des séries historiques de la chaîne Historia – et auteure de quelques romans pour la jeunesse, Monique Fournier signe, avec Comme une brûlure sur une robe du dimanche, son premier roman pour adultes. Il y a une dizaine d’années de cela, la comédienne Pascale Bussières, qui incarnait la Princesse astronaute dans une des émissions scénarisées par l’auteure, lui avait offert un livre sur les sorcières, point de départ d’une fascination durable pour le sujet.

S’il s’agit indubitablement d’un roman historique, l’auteure en déjoue les écueils habituels, évitant de trop s’appesantir sur les détails et descriptions afin de mieux privilégier la confrontation psychologique entre les deux principaux protagonistes. Ainsi, les lieux où l’action se déroule ne sont désignés que par la première lettre de leur nom, et ce qui compose l’ordinaire de ces paysans frustes n’est pas détaillé outre mesure. On lui sait gré aussi de ne pas avoir dilué la force de son récit par une bluette sentimentale. Il n’en reste pas moins que ce roman est très bien documenté, l’auteure ayant notamment bénéficié des conseils d’un spécialiste de l’histoire de la Nouvelle-France, André Lachance. "Je m’intéresse aux petites gens, à ceux dont on n’écrit pas l’histoire, nous confie Monique Fournier, mais je n’ai pas voulu écrire un roman didactique. De même, je ne crois pas à la magie ou à la sorcellerie, mais plutôt à la suggestion. Il s’agissait de montrer ce malentendu entre les personnages, en évitant de verser dans le manichéisme. Mes personnages font ce qui leur semble juste." Et ce malentendu est profond, car tout sépare Catherine Desportes de Thomas de Saint-Just. La première ne peut opposer à l’inquisiteur que son raisonnement de paysanne peu habile avec les mots, de même que sa farouche volonté de survivre. Le second, lui, se fait fort de débusquer le Malin dans ses moindres retranchements, avec l’aide de doctes ouvrages sur la démonologie. Pour parvenir à ses fins, aucun moyen, si terrible soit-il, ne sera épargné par l’inquisiteur, ce qui nous donne à lire des scènes de torture dont la cruauté n’a d’égale que leur véracité historique. "Il s’agissait aussi pour moi de montrer comment se déroulait un procès de sorcellerie dans la France de l’époque, avec tout ce que cela pouvait comporter d’insécurité, de peur et de misogynie, sans être moraliste pour autant", souligne Monique Fournier.

L’expérience fut si prenante que l’auteure s’attellera à écrire au cours des prochaines années l’histoire d’autres habitants de ce village. Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que le résultat soit à la hauteur de ce premier roman pour adultes, dur mais captivant.

Comme une brûlure sur une robe du dimanche
Éditions Libre Expression
2006, 216 p.