Sylvie Nicolas : La disparition
Sylvie Nicolas nous propose cet hiver Disparues sous le signe de l’infini, un roman sur deux femmes perdues dans les registres du temps qui passe.
Poète, romancière et nouvelliste, auteure de plus d’une vingtaine d’ouvrages dont 11 pour la jeunesse, Sylvie Nicolas nous revient, après Le Sourire de Little Beaver (Québec Amérique, 2003), avec une sorte de roman-enquête sur deux femmes disparues dans la brume depuis 40 ans. Elles auraient toutes deux habité l’appartement huit du modeste immeuble à logements où se passe l’essentiel du roman. Qui tente de faire la lumière sur cette disparition? Les autres locataires, tous un peu fêlés, et plus tellement jeunes pour la plupart.
Vu le profil général des personnages, ce n’est donc pas à une enquête que l’on assiste au fil des pages, mais bien à un défilé de spéculations tantôt éclairantes, tantôt erratiques. Le ronchonneux de service, le Braque, ne croit même pas que le huit ait déjà été habité par ces deux femmes: "Une armoire. Une vieille armoire juste bonne à jeter au feu. Un vieux divan, juste bon pour les ordures. Rien d’autre. C’est ce qu’il prétend." Mais il s’avère qu’il est tout seul dans son camp, car ses voisins, eux, se souviennent, sans pour autant être certains des faits réels: "[…] on se demande si les petits bouts d’histoire qui nous restent, on ne les aurait pas imaginés. C’est pourquoi nous nous rencontrons. Tous les huit du mois. Pour tenter de mettre tous nos petits bouts en commun. Pour tenter de mettre tous les morceaux ensemble." Des fragments de vie consignés dans un carnet lors de ces singulières cérémonies auxquelles assistent Mademoiselle Blanche, les "Flambeurs de steaks", l’Homme du corridor, le Braque et l’Anglais, le personnage le plus mélancolique, un Irlandais en réalité, en ayant jadis fréquenté deux autres: George Bernard Shaw et Samuel Beckett.
En y allant de confessions, en faisant tomber les masques, ils parviendront à percer les voiles du passé, le leur et celui des deux femmes: Léa, la plus vieille, se révélant une "santeuze espaniole" de cabaret, dite Carmen Domingo, phrénologue à temps perdu, devenue plus tard prof de flamenco et castagnettes. La plus jeune? Sa nièce, en théorie, jouant Junie sur les planches, amoureuse de Britannicus, partenaire sous les projecteurs. De fil en aiguille, les lignes de vie des personnages se croisent, convergent, créant ainsi un tableau où les révélations, attendues depuis le début, n’arrivent pas à la cheville de nos espérances.
D’un lyrisme systématiquement ampoulé, Disparues sous le signe de l’infini n’arrive pas à convaincre. L’oralité de la narration respire faux, la construction du tout donne dans l’alambiqué. Quelques scènes et images font parfois contrepoids. Mais trop rarement pour accepter de subir celle-ci, au coeur même du roman: le chiffre huit, celui cloué sur la porte des disparues, a basculé – "Couché, il devient le signe de l’infini". Un symbolisme primaire exploité au maximum: des 8 couchés séparent les segments à l’intérieur des chapitres. Un roman qui, élagué sans pitié, aurait pu donner, au bout du compte, un récit intrigant.
Disparues sous le signe de l’infini
de Sylvie Nicolas
Éd. Québec Amérique
2006, 228 p.