Valerie Zenatti : Histoire de guerre
Valerie Zenatti raconte dans En retard pour la guerre, son premier roman, le besoin urgent de vivre et d’aimer d’une jeune femme dans le tumulte de la première guerre du golfe.
Janvier 1991, quelques jours avant qu’éclate la guerre du golfe. Jérusalem n’a jamais été aussi vivante. Les restaurants sont bondés. Dans les discothèques à la mode, on organise des "fêtes de fin du monde". Dans les supermarchés, on s’arrache les "paniers de survie".
Constance Khan, jeune Française installée dans la ville sainte pour terminer son mémoire sur Josèphe Flavius, historien juif du premier siècle qui a fait la chronique du siège de Jérusalem par les Romains, est en retard pour la guerre. Elle n’a toujours pas son masque à gaz, elle n’a pas encore aménagé sa pièce hermétique (sa chambre à gaz, selon le lapsus de sa mère) dans l’appartement qu’elle partage avec Nathanaël, son petit ami, artiste frustré aux tendances tyrannico-dépressives. Elle fait la sourde oreille à la guerre, parce que la guerre sonne faux.
Lorsqu’une nuit les premiers scuds volent au-dessus d’Israël et que les sirènes se mettent à sonner, la terreur la rattrape pourtant. Sans tout à fait la terrasser. Le lendemain, elle continue de parcourir la ville, de choisir la vie coûte que coûte. Moins courageuse qu’inconsciente, elle ne joue pas le jeu de la guerre. C’est sans doute parce que, bien avant la guerre, sa vie ne lui ressemblait plus. L’ambition expansionniste de Saddam n’est qu’une incongruité de plus dans son quotidien qui flirte de plus en plus avec l’absurde.
La guerre! Chaque soir claquemurée dans son appartement, elle attend la fin des alertes aux scuds sous son masque à gaz: "Le miroir confirme que nous avons subi une métamorphose. Visage de caoutchouc noir, yeux de mouches au-dessus d’un drôle de groin, des insectes prêts à butiner la mort."
L’héroïne de Valérie Zenatti n’arrive pas à se délester du sentiment d’impuissance qui l’étouffe et qui l’empêche de faire les choix que la vie pourtant lui impose: quitter son Nathanaël, cet exalté bourru dont "le visage s’anime lorsqu’on annonce les morts", pour qui la guerre sert de prétexte à l’art, quitter Jérusalem, faire un enfant: "Je suis de plus en plus malheureuse de ne pouvoir décider, effrayée, dans une immobilité douloureuse, et je sais que plus le temps passe, plus cette sensation va devenir violente."
En retard pour la guerre n’est pas autant un roman de guerre qu’un parcours initiatique. Celui d’une jeune femme qui se bute à la vie, s’acharne à dénouer les liens qui l’attachent à sa routine et qui tente, en plein chaos, de retrouver son souffle.
En retard pour la guerre
de Valérie Zenatti
Éd. de l’Olivier, 2006, 189 p.