Salon du livre : Cultivés, bien élevés
Livres

Salon du livre : Cultivés, bien élevés

Le Salon du livre de Trois-Rivières a 18 ans. Rendu à sa majorité, il redouble d’efforts pour attirer les jeunes à son grand party littéraire, d’où la présidence d’honneur confiée à la formation Loco Locass.

La plume de Loco Locass tombe comme une tonne de briques. Riche, éloquente, elle reflète l’étendue de la culture générale de ses trois membres, mais aussi leur grand intérêt pour la langue elle-même. Joint au téléphone lors d’un matin ensoleillé, Biz parle de la place de la lecture dans son quotidien, et dans celui du band.

"Je ne connais personne qui n’écrit pas, et qui ne lit pas. Tu vas aux toilettes, c’est parce que tu as mangé. Tu écris, c’est parce que tu as lu. Les trois, on lit pas mal. Chacun a ses dadas. Pour nous, c’est une façon d’accéder au monde, carrément. Ça peut te permettre de connaître ce que les vieux philosophes grecs pensaient du monde. Il n’y avait pas de vidéo ni d’Internet dans ce temps-là. Ils ont donc laissé des traces écrites. C’est le seul moyen d’accéder à leur pensée. Et ça peut te permettre d’avoir accès à la pensée de toute sorte de monde… Et puisque les livres sont traduits maintenant, il n’y a plus de barrière de langue", explique-t-il.

Parmi les auteurs qui l’ont influencé, le rappeur cite Gaston Miron et Fernand Dumont. Il partage d’ailleurs ces goûts littéraires avec Batlam, l’un de ses deux confrères. "Dans notre cas, ce sont deux personnes qui ont vraiment forgé notre pensée, et peut-être même un peu notre écriture. On les a lus beaucoup. On en a discuté beaucoup. On les aime beaucoup. Ça, je te dirais que ce sont des influences assez importantes. Ensuite, moi, j’aime beaucoup – ça fait longtemps qu’on n’en a pas entendu parler – Christian Mistral." Une fois prononcé, ce nom déclenche soudainement une réflexion sur l’importance du style chez un auteur. Biz déclare que c’est la couleur personnelle de celui-ci qui l’amène à basculer ou non dans son univers. Si des oeuvres comme Harry Potter l’ont laissé de glace, il admet avoir eu énormément de plaisir à lire Madame Bovary ou les livres de Houellebecq. "Là, il y a du style! Houellebecq… Évidemment, je ne suis pas d’accord avec les idées conservatrices qu’il défend, mais je trouve qu’il a un style vraiment personnel. Il avance des idées qui ne sont pas populaires, surtout au Québec. Et ça me plaît. Ces romans, je les ai lus et relus souvent. Je peux relire une phrase trois fois de suite, tellement c’est bien fait. C’est comme contempler un tableau. Tu ne te lasses pas de regarder les détails et l’ensemble. Un écrivain qui n’a pas de style, oublie ça: il fait de la peinture à numéros!"

Le goût de la lecture naît rarement de lui-même. Il se cultive. Biz se souvient-il de la première graine semée? "Quand nous étions enfants, pratiquement chaque jour, ma mère nous lisait des livres, à mon frère et à moi. Des contes, des histoires, dont La Chèvre de monsieur Séguin, qu’on aimait beaucoup." D’abord, la mère pointe les images en racontant l’histoire, puis, au fil du temps, l’artiste découvre la liberté de savoir lire. "Là, j’avais accès à l’original par moi-même. À partir de ce moment-là, tu as accès au monde. Pour moi, lire a été un acte complet d’affranchissement, d’autonomie et de liberté. Jeune, j’avais réalisé ça d’un coup", dit-il.

Du 30 mars au 2 avril
Au Salon du livre de Trois-Rivières (Hôtel Delta)
Voir calendrier Événements

ooo

Le Salon du livre de Trois-Rivières écrit une nouvelle page de son histoire. Âgé de 18 ans, il se tourne vers la jeunesse. En plus d’organiser des activités qui devraient piquer la curiosité d’une clientèle moins âgée, il donne le droit de parole à des auteurs de la relève. La participation des membres de Loco Locass à titre de présidents d’honneur témoigne de ce désir de changement. Le Slam-Poésie organisé conjointement avec Jeunesse hip-hop Mauricie le 1er avril à 20h, durant lequel les personnes inscrites seront appelées à réciter des textes ou des poèmes à la manière d’un rap a capella, va dans la même lignée. Cependant, le Salon ne change pas du tout au tout. Il conserve les formules qui ont fait leur preuve. Ainsi reviennent les ateliers, les tables rondes et les conférences. Et question de ne pas laisser les adultes sur leur appétit, l’événement littéraire propose en soirée des lectures coquines où les princes et les princesses laisseront leur place aux geishas et aux dominatrices. Par ailleurs, les invités d’honneur de cette 18e édition sont Martine Latulippe (30 mars), Réjean Bonenfant (31 mars), Yves Beauchemin (1er avril) et Roxanne Bouchard (2 avril). Pour la programmation complète: www.sltr.qc.ca.