Juanjo Guarnido : Polar sur fond de bestiaire

La bédé Blacksad connaît un succès qui l’a propulsée au rang de phénomène dès la parution de son premier tome, en 2000. Le plus récent livre de la série, publié en novembre 2005, a déjà été vendu à plus de 150 000 exemplaires. Au Québec, Dargaud confirme que le personnage trône au sommet des ventes de sa collection adulte.

Le héros est né il y a quelques années à Madrid. À ce moment, Guarnido et Canales, deux dessinateurs espagnols, travaillaient ensemble sur des films d’animation. Joint à Paris, Guarnido explique les premiers pas de Blacksad. "Au départ, on avait envie de faire un projet en bande dessinée plus par plaisir que par ambition. Juan [Canales] m’avait montré des histoires en noir et blanc d’un chat détective s’appelant Blacksad. C’était des oeuvres de jeunesse, mais il y avait là tout le côté fascinant de ce polar animalier bien noir. Il y avait le matériau de base qu’il nous fallait pour développer notre série."

À partir de ces oeuvres de jeunesse, les deux artistes ont développé un polar noir qui se déroule aux États-Unis au début des années 50. Grande particularité de cette série, la richesse du dessin qui met en avant des personnages aux traits d’animaux anthropomorphiques. Blacksad, un chat noir bien baraqué et séducteur au passé trouble, en est le héros.

Malgré certains aspects rappelant le monde développé par Sokal dans Canardo (autre polar animalier), les qualités du dessin soutiennent cet univers à part sur la planète bande dessinée. "On est allés vers un rendu très réaliste, chose qui est un peu nouvelle dans le registre animalier, confie Guarnido. On aime beaucoup ce contraste. De plus, dans un milieu narratif aussi condensé que la bande dessinée, où il s’agit de raconter une histoire en moins de 50 pages, il est bénéfique et même nécessaire d’utiliser des stéréotypes. L’usage des animaux est parfait pour ça. Il permet de gagner énormément de temps. Souvent, les lecteurs nous disent qu’au bout de quelques pages, ils oublient complètement que ce sont des animaux. Ils les regardent pour ce qu’ils sont: des reflets de personnages humains."

Si dans le premier tome, Quelque part entre les ombres, les auteurs ont habilement campé leurs personnages et leur univers, c’est au deuxième album qu’on sent la série prendre réellement son souffle. Une fois les balises stylistiques établies, les auteurs se sont permis de visiter des thèmes plus sociaux et politiques, qui donnent une dimension saisissante à l’oeuvre. C’est ainsi qu’Arctic Nation propulse Blacksad au coeur des groupes de l’extrême droite américaine et qu’Âme rouge aborde la question de l’énergie atomique sur trame de maccarthysme.

Pour qui ne connaît pas encore Blacksad, le passage de Guarnido sera une excellente occasion de découvrir cette série exceptionnelle. Ceux qui attendent déjà le quatrième tome pourront s’aider à patienter en allant chercher une dédicace du dessinateur au Festival de la bd francophone. Programmation complète du Festival: www.fbdfq.com.

Festival de la bd francophone de Québec
Rencontre d’auteurs
Le 21 avril à 19h
Au Café rencontre BD
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