Roger Des Roches : Chronique de l’étrange

Bien sûr, il est fortement recommandé de commencer la lecture par le premier volume, Marie Quatdoigts (Québec Amérique, 2002). D’entrée de jeu, l’auteur nous y présente les jeunes héros qui hanteront les épisodes suivants (Les Idées noires d’Amélie Blanche [2003] et La Vie cachée d’Éva [2004], toujours chez le même éditeur).

Éloge de la tolérance envers la différence, les récits de Roger Des Roches évitent heureusement de sombrer dans la trop morale rectitude politique ou encore dans les clichés aux vertus pédagogiques. Ils mettent plutôt en scène une petite bande d’enfants rejetés par leurs copains de classe parce qu’ils ne sont pas comme les autres: l’une n’a que quatre doigts à chaque main, l’un est roux, une autre albinos. C’est justement leurs particularités qui les uniront.

LE CLUB DES BIZARROÏDES

Ensemble, ils forment le Club des bizarroïdes dans une petite ville en périphérie de la banlieue. Ils ont établi leur quartier général dans une maison abandonnée et découvrent tout un monde resté secret parce qu’un événement étrange a jadis secoué la municipalité. Et ce mystère explique entre autres la particularité physique de Marie Quatdoigts.

Nos jeunes héros ne vivent quand même pas dans un monde parallèle. Ils vont à l’école et habitent chez leurs parents. Ce qui détermine d’ailleurs bien des choses dans leur vie. Et Les Cruels Remords de Robert s’amorce alors qu’Amélie Blanche est retournée à Paris avec sa mère québécoise chez son père français où le couple tente de se rabibocher. Amoureuse de Robert, Amélie leur invente un roman où son copain la retrouve en France, intitulé Mystère dans le Marais: Les Aventures de Robert et d’Amélie.

Mais depuis le départ d’Amélie, le coeur de Robert s’est tourné vers Marie. D’où les cruels remords. Et le boulot de chef cuisinier du père du rouquin obligera bientôt la famille à déménager à Montréal. D’où la tension régnant dans la bande qui cherche comment empêcher cette catastrophe.

LE GOÛT DE L’ÉCRITURE

Il s’agit presque d’un roman épistolaire. Constitué d’extraits du journal intime de Robert Dumas, de la correspondance qu’il entretient avec Amélie (surtout nourrie par la jeune fille exilée en France) et du texte même de Mystère dans le Marais, le livre est porté par la parole des jeunes héros et non par celle d’un narrateur "adulte" qui les observe. Un excellent moyen de favoriser l’identification du lecteur aux personnages (tant les garçons que les filles) et de se reconnaître dans leurs préoccupations.

De plus, ce quatrième tome ouvre l’univers du petit club sur un autre monde. En effet, Amélie fera visiter à ses amis un Paris méconnu qui, avec ses catacombes, vient faire écho aux investigations des bizarroïdes dans les passages secrets découverts dans leur village.

La réponse du jeune lectorat serait très enthousiaste. On n’en doute pas. Même qu’on serait porté à croire que ces livres donneront envie au lecteur de prendre la plume (ou l’ordinateur) pour consigner par écrit, à l’instar de Robert qui tient son journal, d’Amélie qui lui envoie des lettres et même un roman, toutes ces choses qui bourdonnent dans sa tête. Par ricochet, c’est sans doute le meilleur effet thérapeutique et pédagogique de la série Marie Quatdoigts.

Et on ne s’ennuie pas une seconde. Même que les parents risquent d’aller voler les livres dans la bibliothèque de leur enfant. Ça les aidera à comprendre comment ils sont perçus par leur progéniture. Pour le bénéfice de toute la famille!

Les Cruels Remords de Robert
de Roger Des Roches
Éd. Québec Amérique, coll. "Bilbo"
2006, 296 p.