Tout s'en va : Une plaie ouverte
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Tout s’en va : Une plaie ouverte

Tout s’en va s’ouvre sur un événement extraordinaire. Un matin de mai, Mortimer, torturé par un vieux drame, décide d’en finir, de se libérer de son mal incurable, et il grimpe sur l’impardonnable structure du pont Laviolette. Au même moment, Magoo, bambin de huit ans issu d’un quartier défavorisé, fuit une vie trop lourde pour lui, tandis que Mira, jeune acrobate qui voltige dans un ciel qui aurait dû appartenir à une autre, tente de sortir de son état d’invisibilité.

Trois malheureux destins entrecroisés et liés par un fil atrocement noir: la disparition d’une petite fille à Grande-Vallée, il y a une vingtaine d’années.

"À partir d’un drame, un traumatisme, est-ce que c’est vrai qu’avec le temps, tout disparaît? J’avais cette interrogation. Comment on survit à un événement dramatique? C’est un peu ça, mon propos. Et à travers divers personnages, je vais montrer des naufrages, mais aussi des sauvetages", amorce Marie Gagnier. En fait, l’écriture de ce quatrième roman a commencé lorsque l’ancienne enseignante en littérature est tombée par hasard sur un document traitant du tragique glissement de terrain survenu à Saint-Jean-Vianney au Saguenay, en 1971. "Le glissement de terrain symbolisait de façon absolue la perte totale de tout. Les maisons disparaissent. Il ne reste plus rien de ta vie d’avant. Je suis partie de cet événement-là. Et j’ai mis un personnage qui vit ce glissement, qui est l’un des survivants. Et c’est lui qu’on va retrouver, des années plus tard, perché à la structure du pont Laviolette. (…) Parallèlement, il y a l’histoire d’un petit garçon de huit ans qui habite Trois-Rivières et qui a aussi vécu un événement traumatisant. Et la seule solution qu’il voit pour passer à travers, c’est de faire une fugue et de s’en aller très loin. Pour lui, c’est la perte de son monde, comme pour Mortimer, qui est monté sur le pont, dont le monde s’est défait lorsqu’il était enfant." La dame poursuit avec douceur: "Je me rends compte, au fil des romans, que je parle toujours de l’enfance, une enfance qui est meurtrie. C’est une situation qui me touche, qui me bouleverse et que j’essaye de comprendre. Dans le cas du glissement de terrain, c’est une catastrophe naturelle, mais dans bien des cas, ça va être à cause des manquements des adultes, qui sont responsables des enfants. (…) C’est beaucoup de ça que je parle, du drame de la solitude, du déracinement. Pourquoi? Ça c’est plus difficile d’y répondre."

Des histoires lourdes de souffrances, donc. Des récits où la lumière semble avoir basculé dans une nuit éternelle. "Ce n’est pas le drame pour le drame, précise l’écrivaine. C’est le drame pour décrire les temps intérieurs. Je me place à l’intérieur des personnages et j’essaye de voir comment on peut s’en sortir ou pas." Après l’expérience, l’espoir existe-t-il encore? "Oui. Ce n’est pas le plein soleil. Il y a de la lumière parce que, d’abord, il y a un sauvetage. Et parce que tu as des personnages qui, au début, sont tous en état de déséquilibre et qui, à la fin, ont atteint un certain équilibre. Il y a la complicité entre les êtres, la tendresse aussi. (…) À travers le drame, il y a une solidarité qui s’installe et une quête du bonheur", conclut la femme, d’une voix qui fait voler les mots vers l’infini.

Tout s’en va
De Marie Gagnier
Éditions du Boréal, 2006, 260 p.

Tout s'en va
Tout s’en va
Marie Gagnier