Frédérick Durand : Montréal matin
Frédérick Durand fait partie de ces auteurs prolifiques qui sortent un livre par année. Mais contrairement à la majorité, il s’exerce dans plusieurs styles. Avec Au carrefour des 3 éclipses, il s’attaque au roman historique.
Lorsqu’on publie un bouquin presque tous les 12 mois, les risques de se répéter se multiplient. Pour échapper à ce piège, Frédérick Durand, qui a tour à tour flirté avec la littérature jeunesse, la poésie et la science-fiction, sentait la nécessité d’explorer de nouvelles contrées, d’où la surprenante naissance d’Au carrefour des 3 éclipses.
"Je m’étais dit au départ: "Dans quel genre personne ne me verrait publier, y compris moi?" Le roman historique, il me semble que ça serait un beau défi. Ça va être drôle, mais il faut que ça soit bon. Si je réussis à faire ça, après je ne m’inquiéterai plus pour grand-chose", se souvient l’enseignant en littérature au Collège Laflèche. Du coup, il a plongé dans un long processus d’écriture. Il a habilement créé le personnage de Francis Chevrier, un collégien originaire de la campagne, recruté par son oncle, un homme aux valeurs libérales, comme reporter dans son journal à Montréal. Ce nouveau boulot amène le jeune homme à mettre un peu de lumière dans certaines zones obscures de la ville. Mais en enquêtant sur le mystérieux suicide d’une ouvrière, il ouvre une véritable boîte de Pandore. Dès lors, l’alarme est sonnée et sa vie, en danger.
Puisqu’une reconstitution de Montréal en 1895 ne se fait pas à la légère, l’auteur s’est tapé de laborieuses recherches à la bibliothèque de l’Université du Québec à Trois-Rivières. "Chaque fois que j’avais un doute, j’allais vérifier, dit-il. J’avais des problèmes du genre: À quelle heure les magasins ferment? Est-ce qu’il y avait une collecte d’ordures? C’était quoi le salaire à l’époque? Jusqu’où va le tramway?"
Rédigé dans un style simple, Au carrefour des 3 éclipses s’adresse à un large public. Frédérick Durand, détenteur d’un doctorat en études québécoises, nourrissait un vieux désir de partager ses connaissances sur l’idéologie, les journaux et la vie quotidienne au XIXe siècle. C’est seulement après avoir découvert par hasard un fait divers étrange, le suicide d’une ouvrière, que l’écrivain a donné la forme actuelle à son projet. "Tout le roman repose là-dessus. Si je n’étais pas tombé sur cette info, ça aurait fait un tout autre livre. C’est sûr qu’il y a quelque chose qui a piqué ma curiosité… C’est qu’à cette époque les enquêtes sur le suicide, ça commençait seulement à être mis sur la place publique. Avant, il y avait des suicides, mais c’était très honteux. On cachait ça, comme la maladie mentale."
Si ce roman a demandé un travail d’orfèvre, Durand a quand même tenu à avoir du plaisir durant sa conception. Il s’est amusé avec ses titres de chapitre – qui sont tous des pastiches de romans-feuilletons ou de romans d’époque -, a mis en scène des poètes de l’École littéraire de Montréal et a conservé sa signature un brin surréaliste.
Au carrefour des 3 éclipses
de Frédérick Durand
Les éditions JCL, 2006, 272 p.