Fanny Ardant : Objet du désir
Fanny Ardant porte à la scène La Maladie de la mort, un texte de Marguerite Duras. Pouvait-on imaginer plus belle rencontre dans l’antichambre du 12e FIL?
Le Festival International de la Littérature, dont les activités vont courir du 15 au 24 septembre et qui célébrera en outre, cette année, la mémoire de Marguerite Duras, nous propose en introduction un incontournable rendez-vous. À travers La Maladie de la mort, spectacle solo présenté peu avant le début officiel des festivités, l’actrice française Fanny Ardant vient nous souffler toute l’urgence du désir et les difficultés d’aimer simplement telles qu’arpentées par Duras, morte il y a dix ans cette année.
Paru en 1983 aux Éditions de Minuit, le récit ou court roman (64 pages) plonge son lecteur dans l’enchevêtrement de trois voix, celle d’un homme qui paie une prostituée mais dont le sentiment pour elle n’est pas qu’appétit charnel, celle de la femme en question et celle d’un narrateur explorant tout ce qui entrave l’amour. Duras a, paraît-il, voulu adapter le texte elle-même pour le théâtre, mais y a renoncé, le laissant dans son état initial.
C’est cette langue brute et belle que s’approprie Fanny Ardant. Un projet caressé depuis longtemps? "Non, pas du tout! Le directeur du Théâtre de la Madeleine, à Paris, me l’a proposé en avril. J’ai dit oui tout de suite, on a répété au mois de mai, et on l’a joué au mois de juin! J’ai adoré. D’habitude tout est long et lent, les gens réfléchissent pendant des heures. Tandis que là, nous avons travaillé dans une forme d’urgence qui convient au propos."
Quant au défi d’endosser un texte d’abord non destiné aux planches, la principale intéressée, qui l’a maintenant défendu une soixantaine de fois, tient à nuancer: "Au début, on trouve que ce n’est pas écrit pour le théâtre. Mais moi, j’aime bien trahir tout de toute façon… Puis tout d’un coup, on se retrouve avec trois personnages. Et dès qu’on a trois personnages, on est dans le théâtre. Quand il y en a un qui pose une question et l’autre qui répond, puis le troisième qui commente, nous sommes devant une forme théâtrale. La nouveauté, pour moi, c’était surtout d’être seule en scène."
Aimantée depuis longtemps par l’écriture de Duras, Fanny Ardant dit vivre un grand bonheur d’expression dans ce registre où sont dits sans ambages les mots que la vie de tous les jours occulte, ceux que personne n’ose dire: "Il y a une forme de correction, de pudeur, qui fait qu’on ne parle jamais de certaines choses. Moi, au fond, c’est ça que j’aime." Discours de l’intimité, donc, à cheval entre confession et monologue intérieur, dans cette inimitable musique durassienne, et qui veut isoler ceux des sentiments qui en aucun cas ne se marchandent. "C’est comme si j’étais venue à la table d’un homme, dans un restaurant, et que pendant une heure je lui avais dit la même chose. Quelque chose qui dérange. Parce que petit à petit, chacun devient un animal sociable. Famille, patrie, honneur; on parle rarement de l’amour, de ses possibilités de folie, de destruction aussi. De cette possibilité que peu à peu la vie nous a eus."
Pour complice, l’icône du cinéma français aura eu Bérangère Bonvoisin, qui semble avoir bien saisi la nature du texte et les exigences de sa mise en scène: "Elle disait toujours: il faut parler bas, on n’est pas dans le martelage de tête… N’entend que celui qui veut entendre. Et je sais que j’ai dérangé au départ. Le théâtre, c’est toujours ce verbe haut et clair, tandis que là non. C’est une parole presque chuchotée, vraiment comme si je me penchais vers quelqu’un, au-dessus d’une table."
Est-il permis de douter que de l’autre côté de la table, les oreilles seront ouvertes grandes?
Du 12 au 16 septembre
À la Cinquième Salle de la Place des Arts
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