Charles Bolduc : Le péril jeune
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Charles Bolduc : Le péril jeune

Charles Bolduc dépeint les amours de passage et les dérives quotidiennes dans Les perruches sont cuites, recueil de nouvelles traversé par l’air du temps.

Vous remarquerez qu’à chaque fois qu’un auteur un tantinet plus jeune que la normale publie son premier livre, on s’empresse souvent de nous informer sur son âge et surtout, si le bouquin se démarque par sa qualité, de nous dire que ce nouvel écrivain est fort "prometteur" – du genre: ce jeune homme nous réserve de bien belles choses -, terme on ne peut plus paternaliste et condescendant. Il faudrait peut-être faire table rase de toutes ces manies fatiguées et se rendre à l’évidence: lorsqu’il y a oeuvre, il y a oeuvre, point à la ligne. Que Charles Bolduc ait 6 ans ou 15 ans et trois quarts ne change rien au fait que Les perruches sont cuites, son premier recueil de nouvelles, n’est pas prometteur, il est tout simplement là, assez bien foutu, singulier et vibrant pour qu’on mette de côté toute autre considération superflue.

120 pages, 36 nouvelles. Le résultat de l’équation est simple: des textes courts, de 2 à 4 pages chacun. Des microfictions mettant en scène un narrateur dans la vingtaine, vivotant entre deux petits boulots, autant en apesanteur dans le no man’s land d’une conscience en mouvement que soumis aux vertiges de l’amour, du sexe et du temps qui fuit comme un voleur. Plutôt que de déployer des intrigues au sens strict du terme, les textes prennent plutôt la forme de tableaux, de portraits, de fantasmes ou de constats méditatifs; bref, ce sont des instantanés de l’esprit, du corps et du monde. On accompagne donc ce Charles (nom du narrateur) dans ses déboires, ses idylles, ses heures creuses, ses errances, suivant cette voix qui nous rappelle en substance "que l’errance possède elle aussi ses points d’ancrage".

Effectivement, car malgré ce flottement existentiel doux-amer qui fait tanguer l’ouvrage comme un bateau ivre, force est de reconnaître un port d’attache à cette écriture: le désir. Qu’il donne dans le salace ou la tendresse matinale, qu’il se conjugue à la mélancolie, au désarroi ou à une soif inquiète d’absolu, le désir ici entre et sort de partout, jusqu’à nous donner l’illusion de pouvoir "transformer nos mal-être en bonheurs furieux". Désir aussi de redonner vie à tous les menus détails et objets muets qui peuplent les jours. Ainsi, la solitude des parapluies, la vie secrète des vélos lors du dégel au printemps, une mousse blanche dans les cheveux d’une caissière, tout devient matière à transcendance, l’occasion de surprendre le réel dans sa grâce éphémère.

Mélange d’impétuosité, de libido, de dernières bières avant l’aube et de sagesse implacable, Les perruches sont cuites repose sur une prose alerte et souple, rythmée et sensuelle, conjuguant humour, lyrisme, poésie et gravité dans la même foulée, sans coquetterie stylistique. Certains textes du dernier tiers de l’ouvrage semblent toutefois prendre appui sur les précédents sur le plan de la forme et du contenu, se répéter. N’en reste pas moins une écriture travaillée, tributaire d’un sens manifeste de l’image, en mesure de nous rappeler que "nos monstres aussi ont le droit d’être aimés".

Les Perruches sont cuites
de Charles Bolduc
Éd. Leméac, 2006, 120 p.