Guy Marchamps : Le mot juste
Guy Marchamps ressemble à ses mots, libre et posé. On pourrait presque le confondre avec un voyageur parti à la rencontre du monde tant sa démarche empreinte de bonhomie tranche avec celle des autres passants. Bien que le poète connaisse fort probablement chaque recoin du centre-ville de Trois-Rivières, on ne se trouve pas si loin de la vérité. Rencontré devant un espresso bien tassé, il raconte les périples intérieurs qui ont précédé L’Innommé, recueil de poésie qui navigue entre une réalité aérienne et la beauté de l’insondable.
Depuis quelques années, l’auteur entassait les écrits. Alors que certains avaient eu la chance d’être publiés dans des revues ou entendus lors de lectures publiques, d’autres, plus récents, dormaient toujours dans ses tiroirs. Des poèmes inspirés par les terres intérieures inexplorées, les naissances, la barbarie tranquille, mais aussi par les créateurs qu’il admire. Parmi ceux-ci se glissent les noms de Saint-Denys Garneau et d’Emily Dickinson. "Ce sont des genres d’hommage que j’avais envie de leur faire, comme ce sont des gens importants dans ma vie. Ils sont ma nourriture. Je lis beaucoup de poésie. J’en lis tous les jours. J’ai besoin de ça", admet Marchamps.
Le temps que cette dernière phrase s’envole, on comprend que l’auteur n’a pas menti au moment de mettre sur papier son Testament. "Je vous lègue ces mots/Auxquels j’ai donné toute ma vie/Mes vieilles pipes que j’aimais tant fumer/Jetez-les au feu pour qu’elles brûlent/Encore une dernière fois/De grâce que mes livres de poésie/Ne tombent pas entre des mains impies/Ce sont les objets auxquels je tiens le plus." Il explique doucement: "Depuis l’adolescence, je suis dans la poésie par-dessus la tête. Cela a vraiment été au centre de ma vie quand j’ai découvert qu’on pouvait dire des choses de cette façon-là. Tu pars d’une page blanche et tu crées quelque chose qui n’existe pas. En plus, tu essayes de mettre des mots sur des choses qui normalement n’en ont pas. C’est un beau défi de mettre des mots sur des sensations, sur des intuitions. Car ça fait partie du réel. Pour moi, c’est bien important. Souvent, on a tendance à penser que c’est marginal, la poésie. Ce n’est pas vrai. Novalis, qui est un poète allemand, disait que la poésie, c’est le réel absolu."
Guy Marchamps croit d’ailleurs que ce genre littéraire sert à plonger plus profondément dans l’esprit de l’homme. "Les métaphores, les nouvelles façons qu’on a de nommer les choses, ça ouvre des espaces à l’intérieur de nous. Comme il n’y a plus rien à explorer sur la Terre, l’homme doit aller explorer à l’intérieur de lui. Et si on se fie à la psychologie et à la neurologie, il y a encore plein de choses qu’on ne sait pas." Dans L’Innommé, il oriente ses réflexions vers le langage. "Je trouve que le langage est ce qui fait qu’on est différents. La pierre ne parle pas, l’animal ne parle pas. Il n’y a que l’être humain. Des fois, on peut reprocher aux poètes de parler souvent des mots, du langage. Mais, c’est tellement vital. Ce n’est pas pour rien qu’il y a toute la convergence des médias et qu’on veut contrôler le langage, justement. C’est parce qu’on sait qu’avec les mots, c’est la liberté totale, c’est la porte de l’imaginaire."
L’Innommé, suivi de Poème d’amour à l’humanité
de Guy Marchamps
Éditions d’art Le Sabord, 2006, 71 p.