Pierre Labrie : La quête
Pierre Labrie, quelques mois seulement après la parution de La Pléiade des nombres épidémiques, rapplique avec Le Mobile du temps, recueil de poésie dans lequel il aborde d’une façon différente la question identitaire.
La question n’a jamais été posée clairement. Pourtant, par sa plume rassembleuse et son intrigante façon de parler au "nous", Pierre Labrie dévoile sans pudeur ses teintes bleutées. À travers ses plus récents écrits, il dissèque d’ailleurs l’âme de la société québécoise, essaye de mieux comprendre où ses lignes de la main la portent. Le Mobile du temps n’échappe pas à ses interrogations. Mais les mots qui le composent murmurent aussi, ou plutôt hurlent, le rêve grandissant du poète de Trois-Rivières d’une liberté sans faille.
"Nos livres caressent/le milieu d’un pays/qui n’en est pas un/nous semblons nous satisfaire/de la suspension de la forme/une lumière succombe/à une autre étoile." Devant un thé, Labrie bouscule des concepts, secoue des idées. Il parle d’une quête identitaire visible au Québec. Il note cette idée farfelue de se bâtir un avenir dans un pays qui n’existe pas encore, ou cette génération de trentenaires qui n’arrivent pas à se positionner et qui s’accommodent des plats idéologiques qu’on leur sert. On se cherche; on ne prend jamais racine; on se laisse simplement pousser par le vent.
Le Mobile du temps est avant tout un livre d’espoir. "C’est le mobile (la raison) de notre quête identitaire autant dans un couple que dans la société", explique l’écrivain. Soit une femme, soit la liberté. Labrie emprunte ainsi tantôt la voix d’un amant, tantôt celle d’une collectivité. "Tu dois te demander pourquoi je parle de couple et de liberté, s’exclame-t-il. Souvent, les gens associent le fait que d’être libre, c’est d’être seul. Ce n’est pas ça. La vraie, vraie liberté, pour se sentir bien, c’est de se sentir inclus dans quelque chose. Être inclus dans un couple, ça rend une liberté beaucoup plus grande. C’est la même affaire en société. Pourquoi on vit en société, pourquoi on a besoin de se regrouper? C’est parce qu’on a besoin de cette liberté-là, qui est possible parce qu’on est ensemble. Souvent, on pense que c’est l’inverse. Par exemple, on va entendre que tel gars a laissé telle fille parce qu’il avait le goût d’être plus libre. Mais tu es moins libre, car dès que tu tombes tout seul, tu tombes en quête de quelque chose. La liberté, tu ne l’as pas; tu es à la recherche de, que ça soit conscient ou inconscient."
Outre son activité d’écrivain, Pierre Labrie participe à mille et un projets en plus de travailler au Salon du livre de Trois-Rivières. Pour lui, est-ce nécessaire ? "Vu mon type d’écriture – sociale, sociopolitique, plus ancrée dans la communauté -, je ne pourrais pas être enfermé chez moi. J’ai besoin de vivre en société et d’y participer en tant que travailleur pour écrire ce que j’écris. Quelqu’un ne peut pas se taper un trip politique s’il ne sort jamais de chez lui et qu’il ne lit jamais le journal le matin. C’est en te plongeant dans cette société-là que tu es capable d’en parler. Dans mes livres, il y a mes opinions et celles de plein d’autres personnes. Et ces opinions autres, je ne les aurais pas si je ne côtoyais pas plein de gens à l’année. Car c’est en côtoyant ces gens-là que je me dis que je ne suis pas tout seul à penser ça. Alors, là, je peux dire "nous". Même si je sais que je ne parle pas au nom du Québec en entier, je sais qu’il y a un groupe avec lequel je peux me créer une appartenance", conclut-il.
Le Mobile du temps
De Pierre Labrie
Aux Éditions Trois-Pistoles, 2006, 128 p.