Bruno Ballardini : Dieu(r)
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Bruno Ballardini : Dieu(r)

Bruno Ballardini le montre: les gourous du marketing n’ont rien inventé. Le premier fils de pub, c’est Jésus!

Pensez-y. Cela prend du génie publicitaire pour faire d’un instrument de torture – la croix – le logo le plus reconnu et vénéré du monde. Et cela nécessite toute une stratégie de commercialisation pour déployer à l’échelle globale des succursales de la foi – les églises – conçues et pensées pour promouvoir la marque "Dieu".

Depuis deux millénaires, l’Église catholique se comporte telle une multinationale, usant de toutes les stratégies marketing pour mieux vendre du petit Jésus.

C’est du moins la démonstration que fait Bruno Ballardini dans son essai Jésus lave plus blanc (Boréal). L’exercice a quelque chose de culotté. L’auteur raconte l’histoire de l’Église à travers la lorgnette du publicitaire et dépeint le christianisme comme la plus vaste campagne marketing de l’histoire occidentale.

Ballardini, professeur de publicité à l’université de Rome, ne manque pas d’arguments pour étayer sa thèse. Ainsi, l’apôtre Paul aurait inventé le marketing direct en envoyant son "mailing" promotionnel de la parole du Christ aux leaders et puissants groupes d’opinions de son époque. L’Église aurait aussi été la première à faire du merchandising, et ce, en vendant mille et un gadgets (amulettes et icônes religieuses) pour fidéliser sa "clientèle". Par ailleurs, en transformant chaque "client" en porteur de la "Bonne Nouvelle", la religion chrétienne aurait créé le "marketing viral" bien avant la lettre…

En somme, c’est à la messe du dimanche que les futurs publicitaires devraient faire leurs classes. Car si l’on en croit Ballardini, et n’en déplaise à nos plus éminents gourous de la pub, l’Église catholique serait la mieux placée pour donner des leçons de marketing-mix!

Admettons que ses stratégies ont porté fruit. L’Église a tout de même réussi à faire de l’histoire d’un type mort sur une croix une entreprise lucrative comptant aujourd’hui un milliard et demi de fidèles. Cela, en proposant un produit à l’origine gratuit et immatériel… Chapeau!

Plus encore, l’Église aurait réussi là où ont échoué les experts en marketing. "Le marketing moderne s’est constitué comme un ensemble de principes, écrit Bruno Ballardini. L’Église a non seulement montré qu’elle savait poser des principes, mais aussi les contredire de façon tout aussi infaillible." Un exemple parmi tant d’autres: lors de l’Inquisition, l’Église a littéralement "tué" sa concurrence, en dépit de son noble message d’amour… Quelle autre multinationale aurait survécu à un tel scandale?

Malgré les apparences, Jésus lave plus blanc n’est pas à proprement dit une critique de la religion catholique. Avec ce bouquin, Ballardini souhaite davantage sensibiliser le lecteur aux tentatives de manipulation dont nous sommes tous la cible, autant par la pub que par la religion.

Or, tel qu’en conclut l’auteur, une vérité demeure: peu importe les stratégies employées, aucun publicitaire ni aucun évangéliste ne pourront jamais nous "vendre" des valeurs qui n’existent pas déjà en nous. L’amour chrétien n’est finalement qu’une "marque" de l’amour, une valeur humaine datant de bien avant cette fameuse nuit de Noël…

Ainsi soit-il.

Jésus lave plus blanc – ou comment l’Église a inventé le marketing
de Bruno Ballardini, traduit de l’italien par Jean-Luc Defromont
Éd. du Boréal, 2006, 204 p.

Jésus lave plus blanc
Jésus lave plus blanc
Bruno Ballardini