Sujet: Duras : Une fascination
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Sujet: Duras : Une fascination

Sujet: Duras. Effrayant les uns, séduisant les autres. Chose certaine, plusieurs écrivains marchent encore dans ses traces. Danielle Laurin, elle, lui consacre un recueil de lettres et un récit personnel.

"Je ne sais pas, moi, si je supporterais Duras", aurait déjà avoué Marguerite Donnadieu, qui s’est choisi Duras comme nom de plume. Si l’écrivaine s’est rapidement hissée au rang des auteurs cultes, bien peu de gens l’auraient véritablement côtoyée et bien peu possédaient, de toute façon, le caractère nécessaire pour l’endurer et s’y mesurer. Or, certains l’adoraient.

À l’instar du personnage, son oeuvre en rebute aussi plus d’un, mais il y a de ses fidèles qui s’y ressourcent sans cesse, tant pour son contenu que pour le style, qui en a influencé plus d’un. "On vous a beaucoup imitée. Moi, je vous aime. Je crois que c’est mieux", écrit si justement Robert Lalonde, qui tout de même, de manière circonstancielle, n’a pu s’empêcher de coucher ses phrases en un rythme syncopé circonscrivant l’essentiel d’une pensée, comme l’aurait fait Duras. "Vous savez, moi, je ne suis pas du tout durassien. Je n’ai rien à voir avec Marguerite Duras, sinon qu’elle est ma mère. Je pourrais être le fils du jardinier", aurait confié Jean Mascolo, le fils de Duras, à Danielle Laurin avant de lui raccrocher au nez. Mais elle lui a reparlé un jour, car en grande passionnée de Duras, elle a tenu le coup et rencontré la majorité des gens qui ont bien connu Duras et qui pouvaient lui apprendre quelque chose sur elle et jeter un nouvel éclairage sur son oeuvre. Elle a même rencontré François Mitterand, déjà atteint du cancer qui l’emportera – mais Laurin l’ignorait à ce moment-là -, ce n’est pas peu dire. C’est que pour plusieurs, on entre dans le monde de Duras comme on entre en religion.

Née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, une ville de la banlieue nord de Saigon où elle vivra jusqu’à l’âge de sept ans, avant de suivre sa mère (son père est mort quand elle avait tout juste cinq ans), qui traîne aussi ses deux autres enfants, dans une ville près du Mékong, elle ne quittera le Viêt Nam qu’en 1932 pour poursuivre ses études en France, où elle épousera Robert Anselme, et ensuite Dionys Mascolo. Elle entrera dans la Résistance, où elle fera la connaissance, entre autres, du philosophe Edgar Morin et du futur président Mitterand. À la fin de ses jours, elle vivra avec Yann Andréa.

Danielle Laurin est entrée en communication avec tous ces gens. Par besoin, par passion, par fanatisme parfois, mais aussi par honnêteté et rigueur intellectuelle. C’est que la journaliste, qui dirige aussi une collection chez Varia éditeur, ne fait pas les choses à moitié, mais plutôt en double, en consacrant deux ouvrages à Duras, dont l’un, Lettres à Marguerite Duras, regroupe 25 écrivains ou artistes qui ont accepté d’écrire une lettre à cette dernière. Si certains trichent un peu, comme Morin, qui livre une page d’un genre de journal dont Duras demeure le sujet principal (même s’il tire effrontément la couverture de son bord en ramenant tout à lui, le témoignage vaut le détour), ou encore Yann Andréa, dont Laurin a recueilli les propos, la plupart ont joué le jeu de bonne foi en jetant un regard personnel, en soulignant un apport particulier de la grande dame des lettres et du cinéma ou encore en partageant un moment aussi personnel qu’historique. Plusieurs grands écrivains ou artistes se retrouvent dans ce collectif, entre autres, les Français Dominique Noguez, Camille Laurens, Geneviève Brisac, Fanny Ardant et les Québécois André Roy, Louise Dupré, Denise Desautels et Robert Lalonde. Bien sûr, toutes ces lettres sont d’un intérêt inégal, mais chacune apporte un éclairage sur l’oeuvre ou ouvre une porte sur une dimension de l’être humain Duras.

Avec Duras, l’impossible, c’est le coeur de deux humains qu’on arrive à palper, Danielle Laurin nous emmenant, avec une grande humilité, sur les traces de Duras. La passion de Laurin est transmise dans la vérité toute claire, et nous lisons, à travers ses multiples tentatives (et réussites) de communiquer avec l’écrivaine et ses proches, les doutes et les convictions de Laurin comme de Duras. Essuyant les refus (on lui raccroche quelquefois la ligne au nez) ou les railleries de collègues (Laurin s’acharnait à l’époque sur une thèse de doctorat autour de l’oeuvre de Duras), la journaliste (et la passionnée) a su atteindre la majorité de ses objectifs, et surtout, comprendre sa quête et savoir en rendre compte de façon littéraire.

Lettres à Marguerite Duras
collectif sous la direction de Danielle Laurin
Éd. Varia, 2006, 176 p.

Duras, l’impossible
de Danielle Laurin
Éd. Varia, 2006, 96 p.

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