François X Côté : L'arbre est dans ses feuilles
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François X Côté : L’arbre est dans ses feuilles

François X Côté vient de remporter, avec Slash, le prix Robert-Cliche du premier roman. Rencontre avec un auteur à surveiller, intéressant amalgame de destins croisés.

François Côté ("le "X", c’est seulement pour me trouver sur Internet") se considère moins romancier que "je-ne-sais-pas-trop-quoi-d’autre" et avoue sans ambages qu’il a "lu très peu". Bien qu’ayant flirté avec la création littéraire au début des années 90, il ne se revendique d’aucun courant ni influence littéraires et appartient davantage à cette catégorie d’écrivains instinctifs qui ne vivent pas leur art au niveau cérébral: "Quand je lis un roman, quand j’en lis, je m’intéresse beaucoup plus à la phrase, à la charge émotive et je crois que mon bouquin est assez parlant sur ce plan-là".

Touche-à-tout issu du milieu culturel, François Côté vient de remporter le prix Robert-Cliche du premier roman, dont le jury, cette année, était composé de Jean Barbe, Catherine Mavrikakis, Bianca Zagolin et Jean-Yves Soucy, sous la présidence de François Barcelo. Pas mal pour un roman construit, comme il le dit lui-même, en mode scrapbook. En effet, il y a près de dix ans, l’auteur se met à griffonner des choses qui lui passent par la tête. Ces petits bouts de papier qu’il accumule, et qui finissent par former le ciment de son livre, partent toujours d’une émotion vécue. "Je n’ai pas cherché à raconter des histoires autant qu’à raconter des émotions, confie-t-il. J’ai même été surpris de voir, quand j’ai fait lire mon roman à des gens, en première lecture, qu’il y en avait qui s’attachaient aux personnages!"

TUER L’ÉCRITURE

Slash a ainsi été baptisé pour caractériser, notamment, un roman à différentes strates, qui relève plus du journal que de la véritable histoire, de même que pour symboliser le besoin de l’auteur de tirer un trait sur la vingtaine et la vocation d’écrivain. Le roman, de fait, s’ouvre sur un pied de nez à l’écriture: "Écrire est l’art des hommes-troncs. Le jour où j’en ai pris conscience, ma vie devint vie, enfin presque. À cette époque, quand on ne pouvait ni danser, ni jouer d’un instrument de musique, ni peindre, pas plus que chanter ou sculpter, ne restait à peu près que l’art le plus froid. Le plus balourdement cérébral. Le plus bavard. L’étireur d’agonie des lâches qui n’osaient se pendre."

D’où lui vient ce besoin de diminuer ce travail de forçat qu’est le métier d’écrivain? "Mon processus d’écriture a débuté quand j’étais au début de la vingtaine. J’avais besoin d’écrire, mais en même temps c’était très dérangeant parce que me consacrer à l’écriture m’empêchait de faire un tas de choses. J’avais une citation de Félix Leclerc en tête: "J’aurais voulu être pilote d’avion, marin, aventurier (…) alors j’ai décidé d’être écrivain et je serai tout cela" (sic). À ce moment-là, je trouvais ça complètement con car au contraire, tu ne fais rien quand tu es écrivain. Tu as l’impression de perdre ta vie. Ça m’a pris un certain temps pour apprivoiser tout ça."

Près de dix ans plus tard, François Côté nous livre un récit teinté de ses intérêts multiples, comme la musique, les arts visuels et le génie mécanique. Mais aussi, et surtout, d’une région: la Côte-Nord. Véritable point d’ancrage du roman, la Côte-Nord – en particulier la ville de Baie-Comeau, d’où il est originaire – agit comme un nord magnétique sur le héros de l’histoire, homme-tronc et écrivain de son état, qui parcourt un long chemin en quête de l’acceptation de soi. "Baie-Comeau, c’est un peu comme la Provence de Pagnol, explique l’auteur. Cet endroit a pour moi quelque chose de très marqué, un côté "flyé", c’est vraiment un drôle d’univers. Si on pouvait faire d’une région un personnage, on pourrait faire un très bon personnage de Baie-Comeau." Il ajoute: "Je me trouve assez choyé d’avoir un pedigree bizarroïde comme ça. De posséder à la fois un regard de gars de shop et de gars qui travaille à l’université."

Avec le temps, François Côté n’a plus besoin de "tuer l’écriture" et commence à assumer cette vocation d’écrivain: "À travers ce roman, j’ai appris à écrire, d’abord, mais aussi à vivre avec le métier d’écrivain, à l’accepter et à me dire que c’est peut-être, contrairement à ce que je croyais auparavant, vraiment intéressant comme boulot."

Intéressant au point de pondre un autre bouquin dans les années à venir? "Ça se pourrait sérieusement, pour peu que je trouve le temps et les moyens de le faire. J’aimerais faire quelque chose de vraiment structuré cette fois. Je penche pour une comédie noire."

Slash
de François X Côté
VLB éditeur, 2006, 141 p.

Slash
Slash
François X Côté
VLB