Michel Tremblay : La renaissance
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Michel Tremblay : La renaissance

Michel Tremblay renoue avec le genre fantastique et avec le héros de son tout premier roman, La Cité dans l’oeuf, créé il y a près de quarante ans.

Après ses mésaventures dans la cité dans l’oeuf, survenues durant son adolescence et dont les séquelles sont aujourd’hui apaisées par les médicaments, François Laplante n’a plus été sujet aux hallucinations. L’homme, qui frise maintenant la soixantaine, est donc aussi surpris qu’effrayé lorsque, à la sortie du Montreal Pool Room où il a assouvi son coupable appétit de hot-dogs, il se retrouve face à une petite porte dérobée dans un mur voisin du Monument-National. Ne pouvant s’empêcher de franchir la mystérieuse ouverture, telle Alice attirée par le Lapin blanc, il aboutit dans un café souterrain à la Toulouse-Lautrec, où cinq fantômes devront se confesser à lui pour accéder au paradis. Cinq martyrs du Red Light, tous morts de façon violente, victimes du crime organisé qu’ils ont côtoyé de leur vivant.

Avec ce récit aux allures de roman noir et son pathétique purgatoire de la "Main", Michel Tremblay signe sans doute le livre le plus terrifiant de sa carrière. C’est que Le Trou dans le mur, nous a expliqué l’écrivain, tient à la volonté de se débarrasser de l’horreur que lui a fait vivre sa récente maladie: "On ne peut pas frôler la mort et écrire Demain matin, Montréal m’attend. Un cancer, c’est violent, notre corps est en guerre contre la maladie, en plus d’être rendu malade par les gens dont le métier est de vous guérir. Je parle de cette seconde agression causée par la chimio et la radiothérapie." Si une première opération au cerveau, en 1998, avait engendré un récit aux accents nettement autobiographiques (L’Homme qui entendait siffler une bouilloire), Tremblay a choisi cette fois de s’exprimer par le biais du mythe, s’aventurant avec un bonheur évident dans les méandres d’une après-vie dantesque.

Parmi les damnés qui se confessent à François Laplante figure en dernier lieu le terrible Tooth-pick, bras droit d’un chef de la pègre et meurtrier des quatre autres personnages qu’il retrouve au purgatoire. En plus de peindre sa mort dans d’atroces souffrances, le romancier se penche sur les causes de la violence sadique de son personnage (que nous tairons ici), l’humanisant pour la toute première fois: "Je dis souvent que je donne de mauvaises raisons à mes personnages d’être des héros et de bonnes raisons à mes méchants d’être des méchants."

Rencontré dans sa résidence montréalaise, Michel Tremblay affiche la sérénité des seconds débuts. Les réactions de la presse face à son nouveau roman sont enthousiastes, et il vient de rendre visite à son oncologue, qui lui a donné de bonnes nouvelles sur son état de santé. D’une certaine façon, Michel Tremblay renaît. Le Trou dans le mur fait d’ailleurs écho à cette renaissance de son créateur, opérant une sorte de boucle dans son oeuvre.

Le Trou dans le mur
de Michel Tremblay
Éd. Leméac/Actes Sud, 2006, 240 p.