L'année qui s'achève : L'Évangile en papier
Livres

L’année qui s’achève : L’Évangile en papier

L’année qui s’achève aura vu certaines tendances générales s’accentuer dans le domaine de l’édition. Retour sur les hauts et les bas de 2006.

Jusqu’au 22 avril dernier, Montréal aura donc été "capitale mondiale du livre". Au-delà des ribambelles d’activités organisées durant 12 mois, activités souvent liées (trop, selon plusieurs) à des festivals déjà existants, l’événement se voulait aussi l’occasion d’une réflexion sur l’état de notre milieu du livre. Un exemple: la direction de Montréal, capitale mondiale du livre, Denis Vaugeois en tête, en a profité pour faire pression sur les responsables des paliers municipal et provincial pour que de l’argent soit injecté dans les bibliothèques scolaires. Depuis, les choses ont beaucoup évolué, concrètement. Or, soutenait Pierre Lefebvre lors d’une entrevue accordée au journal Voir en juin: "De beaux résultats comme celui-là, on aurait dû en obtenir d’autres…" Le rédacteur en chef de la revue Liberté, qui avait quelques mois plus tôt mené un grand dossier intitulé "Montréal: capitale mondiale du livre?", déplorait en outre qu’on n’ait pas profité de la nomination montréalaise pour réfléchir au glissement de plus en plus clair du livre vers un pur objet commercial.

En 2006, on aura d’ailleurs beaucoup parlé de concentration dans le milieu de l’édition, Quebecor entraînant dans son giron de plus en plus de maisons, dont celles, désormais, du Groupe littéraire Ville-Marie. Normand de Bellefeuille, qui participait récemment à une table ronde organisée par notre hebdo, est le premier à s’inquiéter de pareil mouvement, mais il n’y voit pas que du négatif: "Il y a une réaction à ça. Les éditeurs indépendants sentent le besoin de rehausser leurs critères, de se battre un peu, de se regrouper." Il faut dire que de petits éditeurs tels Poètes de brousse ou Marchand de feuilles accomplissent de vrais miracles, avec des réussites littéraires inversement proportionnelles à leurs moyens.

Toujours dans le dossier de la concentration, nous sommes nombreux à avoir salué, fin octobre, l’initiative des maisons Boréal, Fides, Hurtubise HMH et Québec Amérique, qui annonçaient la publication d’un catalogue commun à grand tirage (400 000 exemplaires) faisant la promotion de livres "littéraires". Pas de quoi inverser une tendance, mais un contrepoids nécessaire.

Sous la couverture, maintenant. Dans 10 ans, on associera encore 2006 à la parution de Sauvages, le premier recueil de nouvelles de Louis Hamelin (Boréal), du roman Mirror Lake d’Andrée A. Michaud (Québec Amérique) ou de La Mer de la tranquillité (Allusifs), ces nouvelles qui permettent à Sylvain Trudel de creuser encore davantage la singulière tranchée dans laquelle son écriture le mène depuis une vingtaine d’années. Autre parution inoubliable: Paul à la pêche, le plus récent Rabagliati (La Pastèque), qui prouve hors de tout doute, si besoin était, que la BD peut donner lieu à des peintures sociales d’une finesse et d’un humour exquis.

Plusieurs des belles surprises de l’année seront par ailleurs venues d’éditeurs émergeants. Alto, la petite maison de Québec, a une fois encore tiré son épingle du jeu avec Catéchèse de Patrick Brisebois et Traité de balistique, un livre certes imparfait, mais fruit d’une tonique aventure littéraire réunissant, sous le pseudo d’Alexandre Bourbaki, Bernard Wright-Laflamme, Nicolas Dickner et Sébastien Trahan. Saluons enfin l’attribution du Grand Prix du livre de Montréal à Hervé Bouchard pour son tonitruant livre Parents et amis sont invités à y assister, paru au Quartanier, un éditeur quasi artisanal.

Et histoire de se laisser avec le sourire aux lèvres, souvenons-nous de la manifestation d’une quarantaine des sbires de Raël devant le Palais des congrès, en avril, après que le Salon du livre de Québec eut refusé d’attribuer un stand aux amis des extraterrestres voulant y faire la promo de leur livre Fiers d’être raëliens. Comme quoi le monde n’est pas encore tout à fait abandonné à des forces occultes…