Paule Doyon : Mémoires
Paule Doyon, dans La Petite Fille à la robe mauve, retrouve ses yeux d’enfant et le goût des premières fois.
Située à quelques pas de la rivière Grand-Mère, la demeure champêtre de Paule Doyon craque de souvenirs, un peu comme dans La Petite Fille à la robe mauve, son plus récent roman, qui s’articule autour d’une fillette qui prend conscience du monde et de sa beauté.
"Ça faisait plusieurs années que j’avais commencé à écrire ça. Et c’est bête, j’ai de la misère à me rappeler pourquoi… C’est venu naturellement. Je me suis mise à me rappeler la façon qu’on pense quand on est tout petit. J’essayais de me rappeler le plus loin possible. Je voyais par exemple que j’avais une petite robe mauve, d’où le titre du livre", explique la dame originaire de l’Abitibi, pendant que le percolateur roucoule.
La Petite Fille à la robe mauve se tisse donc à partir de fragments du passé. L’auteure y raconte les trains et leurs voyageurs (elle habitait tout près d’une voie ferrée), cette plage scindée en deux à cause des rails, ce possible ailleurs… "Je ne voulais pas parler de moi et, en même temps, je voulais décrire l’enfance. C’était tellement loin, alors c’était comme si je parlais d’une autre personne. C’est pour ça que la petite fille ne dit jamais "je"; une narratrice met des mots sur ses pensées."
Au fur et à mesure qu’elle fouille ses souvenirs, Paule Doyon réalise la tristesse d’avoir perdu ce regard vierge des premiers instants. "Je trouvais ça intéressant: quand on est tout petit, on vit vraiment. On profite de chaque instant de la vie. C’est comme si on observait le monde avec une loupe. Pour elle (la petite fille), les journées sont longues, le temps est long, mais elle a le temps de regarder. Elle ne fait pas de philosophie. Elle pense au moment présent. Elle le décrit. Et elle nous fait découvrir la beauté du monde." Elle poursuit: "En écrivant ça, j’ai réalisé comment la plupart des romans d’aujourd’hui nous montrent la laideur du monde. C’est bon qu’on la voie, mais ça nous fait oublier, à nous, adultes, qu’il y a aussi une partie belle."
Préférant un langage quasi télégraphique, plus proche de la parole de l’enfant, à de longues descriptions, Paule Doyon a accouché d’un récit simple et sensuel, où les images, à la fois fortes et jolies, renvoient à la poésie. "C’est parce que l’enfance est poétique. Un enfant qui parle, c’est presque un poète. Au fond, la poésie, c’est de voir les choses comme si c’était la première fois. Et l’enfant les voit pour la première fois." Et de remonter les pages du temps a-t-il été bouleversant? "J’ai trouvé ça bien, bien agréable à faire. Et j’aurais pu en faire plus long. Mais je me suis dit: "Là, ça suffit!" Car, quand tu écris un livre, tu ne sais jamais s’il va être publié. Donc, tu le fais par nécessité", conclut-elle.
La Petite Fille à la robe mauve
de Paule Doyon
Éd. Le Sabord, 2006, 62 p.