Le Festival Voix d’Amériques : Liberté d’expression
Le Festival Voix d’Amériques est irrévérencieux et engagé, mais ça tombe bien: Richard Desjardins, son invité d’honneur, l’est tout autant. Leur rencontre donnera quelques spectacles intimistes, points forts d’une programmation dédiée à la parole, à son poids, à ses métamorphoses.
Il y a eu Thomson Highway, Patrice Desbiens, Chloé Sainte-Marie, et maintenant Richard Desjardins. Les invités de marque se succèdent à ce festival de spoken word, séduits par son esprit d’exploration, son audace ou sa directrice artistique (D.Kimm). C’est le cas de Desjardins, qui lui voue une grande affection depuis des années, mais qui apprécie aussi la liberté créative que lui permet le FVA. "Ils laissent carte blanche à leurs invités, alors ça nous permet de varier. Ça me donne la chance de travailler sur toutes sortes de registres différents, comme le monologue et la conférence sur les Algonquins."
Le FVA, quant à lui, a voulu rendre hommage à ce poète "anarchiste" et "intransigeant", qui sait incarner la poésie dans tous ses états. Outre un spectacle musical intimiste en solo (Richard Guétare, déjà complet), Desjardins a en effet préparé une conférence sur "Le peuple invisible", à qui il est en train de dédier un film, ainsi qu’un monologue sur la reine Aliénor d’Aquitaine. Un personnage qui le fascine, et pas seulement parce qu’on le surnommait du nom de son fils, Richard Coeur de Lion, quand il était petit. "J’ai toujours gardé un intérêt pour les affaires médiévales, bien avant que ce soit à la mode!" explique Desjardins en rigolant, l’air de s’amuser comme un gamin dans un magasin de jouets. Mais une soirée entière de mots dits sans l’aide de sa guitare, c’est une première pour lui. "Je ne vois pas d’autre place où je pourrais faire quelque chose comme ça", ajoute-t-il.
C’est bien résumer l’esprit du FVA et son désir d’offrir une tribune à des voix différentes, ou à des voix bien connues, mais différemment.
LA LANGUE BIEN PENDUE
Cet esprit est aussi à l’origine de la troisième édition du festif Combat contre la langue de bois. Animé par Jacques Bertrand et fréquenté par des personnalités qui n’ont pas la langue dans leur poche, ce combat de boxe verbale contre le politiquement correct est devenu un événement phare du festival. Richard Desjardins, Dinu Bumbaru, Stéphane Crête, Monique Giroux, Micheline Lanctôt et Robert Morin, entre autres combattants, auront six minutes pour dire ou crier leurs coups de gueule. Pas moyen de s’assoupir! Pendant les autres spectacles à la Sala Rossa non plus. Martin Tétreault et le duo montréalais Gatineau (!) joignent leurs forces le temps d’une soirée pour jammer ensemble et faire vivre les mots. Le premier réinterprétera les paroles de Miron, Garneau ou Desbiens grâce à l’échantillonnage et au remixage, les seconds tenteront de faire lever la foule par leur "spoken word progressif" mâtiné de hip-hop et d’électroacoustique.
La mission du FVA, après tout, est de montrer un aperçu des pratiques émergentes, de désacraliser la poésie, de la faire vivre. Vivante, c’est exactement ce qu’elle sera au cours de la soirée Hallahou!, où la maison d’édition Le Quartanier invite ses poètes à se commettre autrement que sur papier. Voices From Planet Toronto sera l’occasion de découvrir des voix issues de la contre-culture de la Ville-Reine, tandis que les Shifts de nuit à la Casa, animés par Tony Tremblay, pourraient être le moment où vous ferez entendre la vôtre… Poètes francophones et anglophones, musiciens, public dégourdi: le micro est ouvert.
Ne manquez pas enfin le décapant spectacle de clôture, Body and Soul 4. Une soirée entièrement féminine, mais pas rose pour deux sous: il y aura là D.Kimm elle-même, Les Moquettes Coquettes, le collectif Women With Kitchen Appliances, dont le seul nom incongru suffit à nous faire saliver d’avance, et Giselle Numba One en solo, qui sait si bien secouer une salle quand elle chante à la barre du groupe The Hot Springs.
Richard Desjardins le résume bien: c’est "un festival qui recoupe les langues, les genres, les styles, un peu à l’image de Montréal", un rassemblement "qui laisse une grande place à la poésie et aux mots". Et, précise-t-il, "avant la musique, on racontait des histoires"… C’est Desjardins qui le dit.
Du 2 au 9 février
Divers lieux
www.fva.ca
C.V.
Les Filles électriques portent bien leur nom: depuis 2002, cet OSBL crée et diffuse des événements qui repoussent les barrières disciplinaires. Littérature orale, spoken word, textes performés par leurs auteurs – la poésie, pour elles, doit être lue et écoutée "de façon impertinente". Et le spoken word, tradition américaine héritée de l’époque Kerouac, Ginsberg et Burroughs, c’est ça. À travers une atmosphère de cabaret plutôt que d’une soirée de lectures littéraires, il va sans dire. "Souvent, on entend un peu toujours la même chose partout", affirme la performeuse D.Kimm, directrice artistique du festival. "Moi j’ai envie de donner la parole à d’autres."