Nicolas Peyrac : Les risques du bonheur
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Nicolas Peyrac : Les risques du bonheur

Nicolas Peyrac signe un second roman qu’on peut facilement confondre avec un thriller à cause de son titre. J’ai su dès le premier jour que je la tuerais est un suspense, oui, mais dont le sujet véritable est un rendez-vous manqué avec le bonheur.

Le chanteur français, qui vit une partie de l’année au Québec depuis 1993, traverse l’une de ces périodes fastes qui surviennent quand on s’y attend le moins. La parution en France, en mai 2006, de son 16e album, Vice Versa, lui a permis de renouer avec le succès grâce à des chansons comme Ne me parlez pas de couleurs ou Deux inconnus qui s’aiment, un superbe duo avec l’actrice Mathilde Seigner. Vice Versa devrait paraître ici au cours des prochains mois sous un label québécois ou chez Warner Canada.

Donc, on n’a pas beaucoup entendu parler de Nicolas Peyrac au cours des dernières années. Il a pourtant été très actif: "J’ai écrit mon roman, des émissions de radio, des chroniques de cinéma et des biographies d’artistes francophones et anglophones pour la Belgique. Je suis aussi allé chercher ma fille (Sarah, 4 ans) en Chine", raconte le chanteur qui s’est éloigné des feux de la rampe après le succès de J’t’aimais trop j’t’aimerai tellement (paru ici en 1991) pour rebâtir sa vie personnelle: "Dans la vie, il n’y a pas que le côté public. C’est bien plus important de réussir sa vie personnelle. Je me suis installé au Québec, car c’était l’endroit où j’avais envie d’écrire et de m’épanouir", s’exclame l’auteur de Qu’importe le boulevard où tu m’attends (Michel Lafon, 1997).

Peyrac a écrit J’ai su dès le premier jour que je la tuerais pour se prouver que l’écriture pouvait encore être indépendante de la musique: "Un mauvais texte de chanson peut se cacher derrière une musique, mais si un roman est mal écrit, on le voit vite. Par l’entremise de mon livre, je voulais me retrouver face à face avec les mots, les personnages et une discipline d’écriture. Je peux écrire 50 chansons sans avoir un seul texte, alors que quand on commence un roman, si on s’arrête, on perd rapidement les personnages et l’émotion", estime l’auteur qui a entrepris la rédaction de son second livre en 2001. Celui-ci est en quelque sorte le prolongement de la nouvelle Evian qu’on trouve sur l’album J’avance (1995).

Lorsqu’on lui fait remarquer que J’ai su dès le premier jour… n’est pas un thriller, Peyrac est tout à fait d’accord: "À mes yeux, c’est plutôt une comédie dramatique ou un roman sur la manipulation. Mes personnages se mentent à eux-mêmes et mentent aux autres. Raphaël a réussi aux yeux des autres, mais ce n’est pas du tout la vie qu’il souhaitait avoir. Il y a dans le roman des moments de suspense, d’angoisse, des surprises et une fin qu’il ne faut pas dévoiler, mais ce n’est pas un thriller. C’est un roman noir sur la recherche du bonheur et la découverte de soi", croit l’écrivain.

RÈGLES DE L’ART

De fait, J’ai su dès le premier jour… raconte l’histoire de Raphaël Dolan, la cinquantaine, chef du service psychiatrique d’un grand hôpital de Paris, complètement désabusé par rapport à son existence, qui ne tient qu’aux apparences. Il est marié depuis 20 ans à Camille, médecin dans le même hôpital que lui, et ils n’ont pas fait l’amour depuis 10 ans. La vie de Raphaël bascule lors d’un voyage en solitaire à Evian. Il y rencontre Laura, une magnifique jeune femme habituée d’user des hommes comme bon lui semble. Raphaël et Laura ne se croyaient plus capables d’amour, mais voilà qu’ils ne peuvent plus se passer l’un de l’autre et qu’ils commettent les pires folies pour être ensemble.

Même si son livre n’est pas autobiographique, Peyrac convient qu’il a un point en commun avec Raphaël: "Pour ne pas rater mon existence, j’ai décidé un jour de m’installer à Montréal. J’avais 43 ans, j’ai pris mes 25 sacs, et j’ai dit: "salut!" Je n’avais plus envie d’être ce que je ne voulais pas être." C’est ce qui arrive à Raphaël, sauf que sa crise existentielle est accompagnée d’une grande instabilité psychologique et de souvenirs indistincts de meurtres commis au fil des années.

A-t-il vraiment tué? Impossible de répondre sans dévoiler la fin de l’histoire – la cerise sur le sundae pour le lecteur, qui doit aussi prendre en compte un détail intéressant concernant le style d’écriture. En plus d’être un roman à quatre voix (celles des quatre personnages principaux), qui met en relief le jeu des apparences souvent trompeuses, Peyrac mélange les temps de verbe, en utilisant le présent et l’imparfait quand bon lui semble: "Je trouve que ça donne de la vitalité à l’écriture. Je ne veux pas suivre les règles parce que ça m’enferme. J’aime bien apprendre tout seul, me tromper tout seul, et apprendre de mes erreurs."

J’ai su dès le premier jour que je la tuerais
de Nicolas Peyrac
Éd. l’Archipel, 2007, 255 p.

J'ai su dès le premier jour que je la tuerais
J’ai su dès le premier jour que je la tuerais
Nicolas Peyrac
De l’Archipel