Roland Fuentès : Cadre historique
Roland Fuentès livre, avec Le Passeur d’éternité, un roman aux accents historiques dont le sujet est l’art, mais surtout, la passion de l’art.
Si Maladite, le héros du dernier roman de Roland Fuentès, brave la peste pour récupérer des tableaux aux quatre coins de la Provence, c’est qu’il est animé par une mission qui dépasse grandement ses intérêts de marchand de tableaux: sauvegarder les chefs-d’oeuvre qui pourraient sombrer dans l’indifférence.
Lorsque la mort rôde tout autour et que la violence n’est jamais loin, l’urgence, ou la survie, comporte d’autres impératifs que de conserver la mémoire d’une avancée dans l’art, que de rendre à un certain esthétisme la dignité qu’il mérite. Mais Maladite craint plus que la peste l’ignorance des héritiers ou des différents gardiens des oeuvres d’art, alors en pleine Grande Peste de 1720, ce bourgeois d’Aix-en-Provence parcourt la région pour s’infiltrer dans la demeure de tous ses clients décédés afin de "cueillir" les tableaux ou sculptures qui, le plus souvent, sont dans un état de relatif abandon. Pour ce faire, il n’hésite pas à employer la force ou à utiliser tout subterfuge. En d’autres mots, Maladite devient ni plus ni moins un voleur aux yeux des gens qu’il croise.
Bien sûr, il y a des intérêts pécuniaires derrière cette mission, mais ce n’est jamais ce qui semble l’influencer. Le lecteur se laisse d’ailleurs porter par la passion du personnage ainsi que par les qualités de conteur de Fuentès, qui, par un jeu de narrations bien ficelé, parvient à faire vivre cette période sombre de la fin du système féodal, période qui précède la révolution industrielle et surtout, la Révolution française. Les rangs hiérarchiques se font donc ici bien sentir, et l’on comprend que Maladite, plus instruit que la moyenne de ses compatriotes gouvernés par la faim ou par Dieu, parvient à tirer profit de ce grand malheur.
Roland Fuentès, professeur d’allemand vivant en France, maîtrise son sujet (il a écrit plus d’une fiction dédiée à la peste et à l’art), et la langue, sans être d’époque, conserve une élégance légèrement empesée qui accentue l’aspect réaliste et historique du roman. Il faut dire que les lieux décrits et les peintres ou oeuvres cités ont, en général, réellement existé.
Le Passeur d’éternité
de Roland Fuentès
Éd. L’Instant même, 2007, 103 p.
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