Francis Malka : Mettre au parfum
Francis Malka donne à lire une enquête qui navigue difficilement entre le jardin, le laboratoire et la piste de course.
Difficile de ne pas penser au Parfum de Patrick Süskind en lisant tous ces longs passages où le narrateur, un ancien étudiant de biologie et de botanique, devenu depuis jardinier, raconte comment il cherche et manipule les essences naturelles afin de trouver des parfums qui masquent la putréfaction.
Devenu partiellement amnésique après un accident de voiture, le jeune homme raconte au détective comment il a procédé pour contribuer à la disparition volontaire de 27 personnes provenant d’un village de 6000 âmes tissées serré. S’il raconte tout ça, s’il accepte par le fait même de passer pour un meurtrier, c’est que, dit-il, ses découvertes scientifiques liées à ses pratiques d’éthique douteuse relèvent du grand art, et qu’elles méritent donc de passer à l’histoire.
Si le romancier parvient à garder son lecteur jusqu’à la fin – avec un intérêt très variable, doit-on préciser -, c’est peut-être grâce au climat mystérieux qu’il a su instaurer. Parce que les descriptions scientifiques, de même que les nombreuses allusions inutiles aux voitures de Grand Prix qui sillonnent le roman, peuvent joliment nous endormir. Ces scènes ne sont ni cliniques à nous glacer le sang (à la American Psycho), ni romantiques (Le Parfum), et ne donnent pas non plus dans l’extrapolation scientifique (à la Michael Crichton). Par conséquent, on dirait qu’elles ne font qu’étirer la sauce d’une bonne piste assez mal exploitée.
Le roman n’affronte pas réellement non plus les questions que soulève l’euthanasie, mais effleure en revanche les résonances d’un drame dans une microsociété. On peut également y lire comment un secret peut aussi librement circuler, sans pour autant atteindre qui que ce soit à l’extérieur du cercle, qui ne pourrait d’ailleurs en faire bon usage. La manière dont les gens du village, finalement, parviennent à imposer leur propre morale et leur éthique aux regards du détective et du lecteur est un des maillons forts de la structure. Or on passe beaucoup trop de temps à nous expliquer le contexte à l’origine de cette série de disparitions par rapport à celui où se précipitent, compressés dans le dernier quart du livre, la grande majorité des décès.
En somme, trop de détails accessoires et pas assez de matière. Trop d’ouvertures vers d’autres péripéties possibles pour un récit qui se dévoile de façon assez linéaire malgré la nature confuse du narrateur, qui promettait davantage de rebondissements. Un roman qui ne remplit guère plus que son rôle de divertissement.
Le Jardinier de Monsieur Chaos
de Francis Malka
Éd. Hurtubise HMH, 2007
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Le Parfum de Patrick Süskind