Marie Gagnier : Territoire littéraire
Marie Gagnier, auteure de quatre romans, dont le dramatique Tout s’en va, est la porte-parole du 19e Salon du livre de Trois-Rivières, organisé du 29 mars au 1er avril. Dans le silence brisé de la bibliothèque Gatien-Lapointe, elle parle de ses souvenirs de lecture et du geste d’écrire.
Les mois qui ont suivi la sortie de Tout s’en va en mai 2006 se sont révélés calmes à souhait pour l’auteure de Trois-Rivières Marie Gagnier. Elle a certes signé un texte pour la pièce de théâtre 5250, St-Valère et animé quelques ateliers, dont certains pour l’organisme en alphabétisation La Clef des mots à Shawinigan, mais depuis la parution de son dernier roman, elle n’a entrepris aucun nouveau projet littéraire. Oui, les traits d’un personnage principal ont commencé à prendre forme dans sa tête, mais sans plus. Pour l’instant, toutes ses énergies sont destinées à la promotion du Salon du livre de Trois-Rivières, ce qui ne lui déplaît pas trop malgré un vilain rhume.
Ainsi, après une longue séance de photos, on en profite pour causer littérature. La conversation s’oriente vers les auteurs qui lui ont donné le goût de prendre la plume: Marie-Claire Blais, Émile Zola, William Faulkner, mais surtout Anne Hébert. Marie Gagnier, touchée par les récits dramatiques à la structure complexe, a toujours aimé se perdre dans les univers denses: "J’ai du mal avec les romans qui racontent un quotidien banal. J’aime quand il y a une tension dans le roman." Du coup, on comprend mieux pourquoi l’ancienne enseignante du Collège Laflèche s’intéresse à la part d’ombre des êtres humains.
Au fait, quel est son plus lointain souvenir comme lectrice? "Mon plus lointain souvenir… Je dois avoir à peu près huit ans et j’ai un livre de la Comtesse de Ségur. Je commence à être capable de lire et je recommence le livre plusieurs fois parce que je ne me souviens plus de ce que j’ai lu. Ça me paraît très complexe. À un moment donné, je me suis assise dehors avec mon livre et, après y avoir passé je ne sais plus combien d’heures, j’ai fini par passer à travers l’histoire. Ça a été le début. Comment ça s’appelait? Je pense que c’était Les Caprices de Gisèle. À partir de là, c’était parti! J’ai toujours lu et ça a rempli ma vie", raconte l’écrivaine d’une voix vaporeuse. Cet événement n’a cependant pas été le déclic qui l’a amenée à envisager une carrière en littérature. "Mais, c’était clair que c’était une découverte de voir à quel point on pouvait entrer si facilement dans une histoire, dans un univers, rétorque-t-elle. D’abord, ils étaient écrits au passé simple, ces livres-là. Et c’était complètement exotique à comparer à ce que l’on vivait ici au Québec. Ça se passait à un autre siècle, c’étaient d’autres moeurs. Pour moi, c’était le rêve. Je ne pensais pas, à huit ans, écrire comme la Comtesse de Ségur. C’est arrivé un petit peu plus tard. À l’adolescence, j’ai commencé à écrire des petits romans qui ressemblaient aux livres que je lisais." Comme exemple, elle cite la série du Club des Cinq. "Au fond, j’imitais ce que je lisais. Ça m’occupait quand même; c’était quand même long, écrire ça. Je me souviens, j’avais situé mon action dans la cour d’école. Il s’y passait de la contrebande de cigarettes. J’étais à l’école, mais au fond, je vivais mon intrigue. Je regardais les lieux comme là. C’est la lecture qui m’a amenée à l’écriture…" sourit-elle.
AUTEURE DE VILLE OU DE CAMPAGNE?
Questionnée à propos du thème du 19e Salon, Urbanité/Ruralité, Marie Gagnier, qui a presque toujours vécu à Trois-Rivières, affirme avoir un faible pour les grands espaces et la ville moyenne. D’ailleurs, elle campe toujours ses histoires dans des sites en bordure d’un cours d’eau. "Le lieu est le miroir de l’univers intérieur des personnages", dit-elle en spécifiant que le contraire est aussi vrai. Mais, ne fait-on pas de la meilleure littérature lorsqu’on vit dans une grande métropole et que nos sens sont constamment stimulés? L’écrivaine croit que non: "Pour moi, Montréal est un lieu où l’on étouffe. Ce n’est pas intéressant comme milieu de vie…"
Marie Gagnier est en séance de signatures le vendredi 30 mars de 17h30 à 18h30, le samedi 31 mars de 15h à 16h et le dimanche 1er avril de 13h à 14h.
Lecture de ville ou de campagne?
Du 29 mars au 1er avril au Centre des congrès de l’hôtel Delta, le 19e Salon du livre de Trois-Rivières plonge dans l’actualité. En plus de recevoir des auteurs plutôt branchés par les temps qui courent (François Avard, Maxime Roussy, India Desjardins, Dominique Michel), il tisse sa programmation autour d’un thème qui fait couler beaucoup d’encre, soit l’urbanité et la ruralité (Livres des villes, livres des champs). Il propose d’ailleurs plusieurs tables rondes sur des sujets chauds comme les enjeux de la littérature en région et l’avenir des régions. Parmi les différentes activités, on trouve entre autres les habituelles Paroles d’écrivain, les rencontres d’auteurs, le Quiz littéraire des médias (le 30 mars à 19h30), la soirée de poésie au bar L’Hexagone (le 30 mars à 21h30) et la dictée du Salon (le 1er avril à 10h30). Notons aussi que l’événement, dont la présidence d’honneur est assumée par Marie Gagnier, accueillera quelque 150 auteurs. Richard Petit, Josélito Michaud, Anne Robillard et Marie Hélène Poitras ont été choisis comme invités d’honneur. Info: www.sltr.qc.ca (K.G.)