Yolande Villemaire : Souffle vital
Avec India, India, Yolande Villemaire nous offre un roman exotique et lumineux qui nous présente avec humour les charmes d’un continent en mutation.
Troisième volet du cycle "La déferlante", India, India met en scène Miliana, une artiste-peintre que l’on a pu voir évoluer dans La déferlante d’Amsterdam et Poètes et centaures.
Miliana Matarewicz Tremblay est née dans une réserve amérindienne près du fleuve Saint-Laurent. Son père, un immigré polonais, l’abandonne à sa mère, une Montagnaise, alors qu’elle n’a que six mois. Mais après des histoires familiales plus que difficiles, l’enfant se retrouve, à trois ans, confié à une famille de Sept-Îles qui lui donnera l’amour qu’elle mérite.
Si chacun des romans peut aisément se lire de manière indépendante, on comprend mieux, évidemment, les ficelles du personnage qui se démène avec la peur et l’amour lorsqu’on s’abandonne au cycle entier. Éprise autrefois de Dragan, le père de sa fille, est-elle maintenant amoureuse de Khayaal Khan, son agent de voyages, ou de Bob Vautour, le thérapeute de sa mère? Mais au fond, peut-être espère-t-elle davantage de Carlos Estaban Flores, un poète mexicain avec qui elle correspond toujours?
Au fil des pages de ce roman qui a tout du récit de voyage (d’une certaine manière initiatique), on suit avec délice l’artiste dans ses colloques, ses rassemblements spirituels (elle suit, sans être bouddhiste, les enseignements du Dalaï Lama de passage en Inde) et ses pèlerinages de vacancières à travers l’Inde. Si La déferlante d’Amsterdam (2003) nous happait par son écriture en spirale, haletante et poétique, le sentiment d’être traqué hantait Poètes et centaures (2005), qui présentait une période plus tiraillée de la vie de Miliana, qui tentait de faire le point, de se positionner au milieu du présent malgré les forces du passé. Avec ce dernier volet, on pénètre dans un univers très lumineux et léger (dans le meilleur sens du terme).
"India, India, la profondeur de ton âme m’étourdit", nous dit Miliana qui se dévoile ici aussi fascinée par la beauté des lieux et des gens qu’agacée par les petites escroqueries et l’envahissement de certains personnages qui jalonnent sa route. Étant donné que le roman se passe en Inde (pays que l’auteure a beaucoup fréquenté) et que nous sommes, pour ainsi dire, en présence du Dalaï Lama, on pourrait croire le livre investi de références spirituelles ou ésotériques (ce qui n’a jamais gêné la poète ni la romancière), mais bien au contraire: Miliana nous présente plutôt les aspects les plus concrets de sa personnalité, comme si, au milieu de toutes ces ouvertures, une distance s’imposait.
Ce rapport à la réalité – le confort personnel, les détails pragmatiques pour le bon déroulement du voyage et surtout, le besoin que l’on respecte sa bulle – protège Miliana des effets étourdissants, justement, de cette immense énergie qui l’entoure. Khayaal Khan, entre autres, possède toutes les qualités du pays hôte: il est charismatique et envoûtant, mais en même temps, plusieurs petits irritants freinent l’artiste dans son abandon. En résumé, le livre arrive comme un vent chaleureux dans le cycle et sur nos tablettes.
India, India
de Yolande Villemaire
XYZ éditeur, 2007, 280 p.
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