Fanzine Bidon : De bidon à BD
L’exposition Fanzine Bidon rencontre la Finlande est l’occasion de revenir sur ce mouvement qui fait son petit bonhomme de chemin dans le monde de la BD dite nouvelle à Québec. Rencontre avec les créateurs d’un fanzine qui n’a plus rien de bidon… sauf le nom.
"On s’était fait dire qu’en présentant une bande dessinée, on pouvait avoir une table gratuite au Festival de la BD", explique Pierre Bouchard, en compagnie de son acolyte de fanzine PisHier, alias Pierre Girard. D’où l’idée du fanzine "bidon". "Nous étions complètement différents des autres… Les gens venaient nous voir pour dire qu’on n’avait pas d’affaire là, que ce n’était pas de la BD", se rappelle PisHier le sourire aux lèvres.
C’était en 2004. Depuis, les deux fondateurs du Fanzine Bidon ont concocté 13 numéros et ne semblent pas près de s’arrêter. Poussés par les événements et les rencontres, ils ont navigué d’un exemplaire à l’autre, emportés par l’enthousiasme du milieu qui les encourageait à continuer. "Nos deux premiers étaient vraiment laids, rigole PisHier, puis un ami nous a préparé une couverture en sérigraphie pour le troisième numéro. On n’avait pas le choix d’en faire un autre!"
Au fil du temps, plusieurs artistes, dessinateurs, graphistes, sculpteurs et autres artisans de l’image se sont greffés au duo. Aujourd’hui, c’est plus de 120 personnes à travers le Québec qui ont participé à l’aventure. "On a permis à plein de gens de sortir de l’ombre, car souvent l’illustrateur reste cloisonné chez lui, raconte PisHier. Les fanzines ont redonné à plusieurs le goût de se remettre au dessin. Car souvent, tu travailles, tu es créatif pour les autres et ça vient gober ta créativité."
Le 14e numéro, sous le thème du "Pont de Québec", devrait voir le jour cet été. Pour l’occasion, Fanzine Bidon s’associera au groupe (swedish) Death Polka. Le groupe prépare une réédition vinyle de son opus Judith Judith, où est abordé le sujet des orphelins du Pont de Québec, et devrait insérer à l’intérieur des exemplaires du fanzine.
En attendant l’été, PisHier et Pierre Bouchard ont travaillé à l’exposition Fanzine Bidon rencontre la Finlande, présentée à la galerie Rouje dans le cadre du Festival de la BD de Québec. C’est lors du Festival de la BD de Gatineau que les gars du Fanzine Bidon ont rencontré les bédéistes finlandais. "Ça a été une rencontre nordique très intéressante. Le contact a été vraiment facile avec eux et on est devenus très liés", explique PisHier. Trouvant des résonances entre les deux façons de concevoir la BD, c’est tout naturellement que le tandem a pensé à produire une exposition commune avec ces artistes nordiques d’outre-mer.
LA NOUVELLE BD
Fabriqué de A à Z par ceux qui en prennent la charge, le fanzine sous-entend une complète liberté d’expression et une part assez imposante de travail. Mis à part pour quelques adeptes du genre, le fanzine est encore un médium peu connu au Québec. Plus populaire en Europe et aux États-Unis, ce moyen de diffusion artisanal gagne pourtant en reconnaissance à travers la province. Ici, à Québec, les artistes du Fanzine Bidon voient leur travail de plus en plus diffusé. "Le marché de l’illustration est en pleine expansion à Québec, et le fanzine représente cette nouvelle vague de la BD, qui se rapproche plus de l’illustration que de la BD proprement dite", de dire PisHier. Les deux acolytes ont d’ailleurs des petits nouveaux qu’ils présenteront au Festival de la BD: deux livres de leur cru, publiés chez Mécanique générale. Pendant que PisHier y va de son Marcheur anonyme, qui se promène sur Saint-Joseph, Pierre Bouchard retourne dans son Lac-Saint-Jean natal revoir le camp de son enfance dans L’Île-aux-ours. Une chance en or de se faire connaître et distribuer au-delà du réseau du Fanzine Bidon.
Underground, le fanzine? De par sa définition, sans aucun doute, car il représente tout ce qui n’est pas magazine, livre, édition… Mais condamné à l’être? Sur ce point, les deux compagnons ont des opinions divergentes. Pour Pierre Bouchard, qui dit ne pas se sentir à l’aise avec le terme, il s’agit d’une question de moyens. "Donne-moi 50 000 $ demain matin, j’achète des anciennes machines distributrices de cigarettes, je mets des fanzines dedans et je fais une grosse campagne de promo!" Mais pour PisHier, c’est plutôt une question d’esprit. "On ne décide pas d’être underground, c’est plus fort que soi, c’est une façon de voir le monde qui est différente, personnelle."
Jusqu’au 22 avril
À la galerie Rouje
Voir calendrier / Arts visuels
Le Marcheur anonyme
PisHier
Éd. Mécanique générale, 2007, 80 p.
L’Île-aux-ours
Pierre Bouchard
Éd. Mécanique générale, 2007, 104 p.