Nelly Arcan : Dis-moi qui est la plus belle
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Nelly Arcan : Dis-moi qui est la plus belle

Nelly Arcan fait paraître un court livre illustré aussi attrayant que sombre, qui revisite, bien que dans un langage inusité, les motifs récurrents de son écriture.

Après les autofictionnels Putain et Folle, on se demandait un peu où sa quête littéraire allait la mener. Voici Nelly Arcan là où personne ne l’attendait, signant un curieux objet graphique et littéraire, qui étonne sans détonner. Avec L’enfant dans le miroir, en effet, l’auteure développe de nouveau les thèmes de l’obsession du corps et des mécanismes du désir; plus intrigant est le ton, faussement naïf, et surtout la matérialité des mots qui s’entremêlent aux dessins beaux et graves de Pascale Bourguignon.

En une soixantaine de pages, se creuse le récit au je d’une femme qui se remémore son enfance inquiète et sa difficile entrée dans l’adolescence. À partir du "point fatal" où celle-ci peut voir son visage dans les miroirs, commence la quête perdue d’avance de la perfection physique. Une quête vécue en sourdine entre une mère qui passera à côté de son anorexie "sans doute à cause de sa propre capacité à disparaître" et un père dont la narratrice dit qu’il cherchait sur elle, d’un oeil avide, "les formes d’une féminité qu’avec les années [s]a mère perdait les unes après les autres."

Tantôt tracé à l’encre à côté des dessins, tantôt intégré au curieux bestiaire imaginé par Bourguignon, fait de reptiles et de poupées abîmées, le texte compose un chant blessé, traversé néanmoins d’un reste de tendresse pour l’humanité.

Au-delà des qualités stylistiques de ce livre, de son acide mais réelle poésie, il faut souligner les grandes qualités esthétiques de L’enfant dans le miroir, sorte de Gustave Fauré hardcore. Une autre réalisation du plus haut niveau à sortir des presses du Marchand de feuilles.

L’enfant dans le miroir
de Nelly Arcan
Éd. Marchand de feuilles, coll. "Bonzaï"
2007, 64 p.