Pascal Blanchet : Calme funèbre
L’illustrateur trifluvien Pascal Blanchet, un an après la sortie de Rapide-Blanc, nous revient avec Bologne, un conte en trois actes symphoniques campé dans les contrées enneigées de la Russie.
Rapide-Blanc, la deuxième bédé de Pascal Blanchet, inspirée de l’histoire vraie d’un village fantôme du même nom en Haute-Mauricie, avait eu peu d’écho lors de sa sortie en 2006. Pourtant, cette oeuvre ne présentait rien d’inintéressant. La preuve, elle était en nomination aux neuvièmes prix Bédélys dans la catégorie Bédélys Québec – Association des libraires du Québec. Mettant la faute de ce profond silence médiatique sur sa trop rapide parution après La Fugue, son premier essai, l’illustrateur avoue maintenant espérer beaucoup de Bologne, son nouveau conte en trois actes symphoniques.
Récit imaginé à partir d’oeuvres musicales classiques (Chostakovitch et Prokofiev essentiellement), Bologne campe sa mélodie dans la froideur et la sensibilité russes. Il raconte le destin tragique d’un boucher nommé Bologne. Cet homme, qui gère une petite boutique dans un village enneigé situé au sommet d’un pic rocheux, aimerait bien réaliser le rêve de sa fille amputée d’un bras et d’une jambe et bientôt aveugle: étudier dans une prestigieuse école de la capitale. Ainsi, il embauche un professeur, qui sera malgré lui prophète de malheur. Une histoire pas trop lumineuse donc. "J’ai toujours beaucoup aimé les contes russes et les littératures russe et slave. J’aime leur rythme, leur espèce de langueur dans le travail qui est fait, leur "dramatisme" à l’excès, mais qui n’est jamais présenté comme quelque chose de dramatique, plutôt comme quelque chose de tout à fait normal", signale le Trifluvien.
Avec leurs traits grossiers, les attachants personnages de Bologne contrastent énormément avec l’imagerie actuelle qui affectionne la précision, tellement qu’on peut penser qu’ils proviennent d’une autre époque. "Les gens disent que ça leur rappelle beaucoup les années 40 ou 50. Mais dans les faits, il n’y avait pas d’illustrations comme ça à cette époque-là. C’est un mix, je te dirais. J’aime beaucoup ce qui a été fait en publicité dans les années 30, 40 et 50. Ce n’est pas tant au point de vue visuel que j’aime ça qu’au point de vue communicatif. J’aime le côté très expressif, très direct, très franc. Il y avait une façon d’épurer, de garder juste les éléments principaux." Questionné sur son amour de la brocante et d’autres vieilleries, il poursuit sa réflexion sur le design du milieu du 20e siècle. "Il y avait un souci d’esthétique qui n’est plus présent aujourd’hui. Il y avait aussi une certaine poésie dans le design qui n’existe plus. Aujourd’hui, c’est un design très froid, très glacial. Quand je parle de design, c’est pour tout: le design intérieur, l’architecture, les arts visuels, la conception graphique. Juste un exemple, au point de vue du mobilier, c’est toujours de plus en plus carré, mais l’être humain n’est pas carré. Automatiquement, il y a un non-sens. C’est comme si l’être humain devait s’adapter à tout. Avant, c’était l’inverse. Les choses devaient s’adapter à l’être humain."
Curieusement, à la fin de la bande dessinée, on trouve une discographie. Aucun matériel sonore n’accompagne pourtant le livre. Celui qui a créé la nouvelle image (du moins, pour le matériel publicitaire) de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières s’explique: "La musique, c’est la base de mon travail. Même quand j’ai des contrats, je travaille avec de la musique. C’est ce qui donne la coloration du livre, toute l’ambiance. Ça me donne un peu les balises du livre ou de l’image, jusqu’où je peux me rendre dans le plus et dans le moins."
Bologne
de Pascal Blanchet
Éditions de la Pastèque, 2007, 80 p.