Joël Champetier : Nouveau monde
Joël Champetier avoue qu’il n’est pas un exemple à suivre en matière d’écriture. Il a en effet mis plus de cinq ans pour concocter les aventures du Voleur des steppes. Mais ça valait la peine de l’attendre…
On ira même jusqu’à dire que Le Voleur des steppes est tellement réussi qu’on voudrait dès maintenant lire la suite. Seulement, l’auteur est loin d’être prêt à la rédiger, puisqu’il n’a en main qu’une page de notes sur les prochaines aventures de Yarg, Sarouelle et Panserfio: "Mon éditeur Jean Pettigrew aussi veut une suite. Il voudrait également un titre, pour le mettre sur le site Internet d’Alire", déplore presque Joël Champetier.
L’auteur est loin de se plaindre de la situation, même s’il n’avait pas prévu de poursuivre l’histoire qui se déroule dans l’univers de Contremont, découvert pour la première fois dans Les Sources de la magie, paru en 2002: "Je serais tenté d’écrire un autre roman avec les mêmes personnages, mais pas question de faire une suite, qui serait à mes yeux comme un roman à rallonge", estime l’auteur. Il croit aussi que s’il promettait une suite, certaines personnes hésiteraient alors à se lancer dans la lecture du Voleur des steppes, qui fait déjà près de 700 pages.
L’écrivain a une autre excellente raison de ne pas vouloir écrire de suite: "Je ne livre pas la marchandise assez rapidement. S’il fallait qu’un de mes romans se termine avec les mots "à suivre", il y aurait des mécontents. De plus, je ne suis pas moi-même un lecteur de suites." Champetier ne voit cependant pas d’inconvénient à l’idée de camper ses personnages dans des décors déjà existants. Ainsi, ceux et celles qui ont lu Les Sources de la magie reconnaîtront l’univers dans lequel évoluaient le magicien Ian Corybantier et sa nièce Marion. Ils se souviendront peut-être aussi que Yarg, Panserfio, Ignace le Catonien et Trivelin faisaient une brève apparition dans le récit. Mais, comme le précise l’auteur, chaque roman est complet et autonome, d’autant plus que Le Voleur des steppes se déroule 15 ans plus tard.
UNE HISTOIRE PICARESQUE
Le récit s’ouvre alors qu’un homme (Yarg) se réveille dans une cage suspendue, blessé et amnésique. Un peu plus loin, dans une autre cage, se trouve une étrange créature à quatre bras et quatre seins. Il s’agit de la courtisane Sarouelle, petit bout de femme entêté et perspicace, sans qui l’action du Voleur des steppes manquerait drôlement de répartie puisque le troisième personnage qui se joint à leurs aventures, Panserfio, est muet.
Après avoir cru leur dernière heure venue, dans leur prison, Yarg et Sarouelle se retrouvent entre les mains de trafiquants d’esclaves qui les vendent au capitaine du Diamantine. Leur embarquement sur le puissant navire donne le coup d’envoi à une série de péripéties qui permettent à nos héros de visiter Pinacle la Cité Parfaite, de combattre les faufileurs et les répugnants cacosmes (des chenilles qu’on ne veut pas croiser dans la réalité!) puis de découvrir la véritable identité de Yarg.
Champetier est peut-être un écrivain lent et obsessionnel, mais difficile de lui reprocher ces deux caractéristiques lorsqu’elles servent à développer en profondeur des personnages et à imaginer des créatures originales et des situations rocambolesques. On pourrait même aller jusqu’à comparer les scènes de la Diamantine, très visuelles, à un certain succès au box-office: "Quand je suis allé voir Pirates des Caraïbes, je me souviens de m’être dit: "Ah mon Dieu, les gens vont penser que je me suis inspiré du film." Mais les scènes qui se déroulent sur le navire étaient déjà écrites quand le film est sorti", soutient l’auteur qui aime les aventures maritimes.
Contrairement au producteur Jerry Bruckheimer, qui avait ordonné le tournage simultané des deuxièmes et troisièmes aventures de Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes pour profiter du succès du premier film, Champetier n’a pas envie de capitaliser sur Le Voleur des steppes. L’écrivain, qui a coscénarisé son roman La Peau blanche avec le réalisateur du film Daniel Roby, est en train d’écrire un nouveau scénario de film intitulé L’Éblouissement, une histoire de science-fiction qui sera aussi réalisée par Roby.
UNE AVENTURE HALETANTE
Pénétrer dans un roman de fantasy n’est jamais aisé car, d’entrée de jeu, il faut apprivoiser un univers différent de celui qu’on connaît, puis se familiariser avec des personnages qui ne correspondent pas à la norme. Dans le cas du Voleur des steppes, un autre obstacle se dresse entre le lecteur et l’histoire, puisque deux des principaux personnages passent les deux premiers chapitres en cage. Champetier parvient quand même à tenir le lecteur en haleine pour ce qui s’avère être le début d’une aventure haletante, peuplée de créatures étranges et dégoûtantes, de poursuites échevelées en mer et de tours de magie salvateurs. Du même coup, l’auteur donne corps à des personnages sympathiques – Yarg, Sarouelle et Panserfio – dont on ne veut plus se séparer. Éd. Alire, 2007, 672 p.