David Leblanc : En lettres minuscules
David Leblanc déjoue les conventions de la fiction dans une première oeuvre ludique mais imparfaite: La Descente du singe.
Pour son premier livre, publié aux éditions du Quartanier, David Leblanc a décidé de faire les choses en petit. Principe de base qui se donne des airs de modestie et sur lequel s’appuie l’écrivain en herbe: "Il faut d’abord une idée, petite si possible, à garder bien au frais derrière sa tête, puis on sort un drame de sa poche, sans faire d’histoire." La Descente du singe, recueil de "textes brefs, courts ou pas trop longs", se consacre donc tout entier à l’art à la mode du "fragment", flirtant avec les différents registres de la fiction, mais également avec la poésie, le théâtre, l’essai, la forme épistolaire.
Parmi ces textes tout ce qu’il y a de "pas trop longs", certains tiennent en quelques lignes seulement. Sous le titre Soyons réalistes, on lira, par exemple, cette unique phrase: "J’ai rêvé que j’étais assis dans une chambre en tous points semblable à la mienne, mais qui, pour la simple raison que je n’y étais pas couché, ne pouvait être ma chambre." Cette image du semblable est récurrente chez Leblanc, dont l’écriture se voit envahie par les motifs du double, du dédoublement, de la séparation et de l’aliénation, illustrés notamment par d’abondants procédés de mise en abyme, par des effets de distanciation et par des jeux de miroirs.
On remarquera ainsi que l’auteur, intéressé par-dessus tout à rendre compte de son propre rapport à l’écriture et pour qui la plume est un "corps étranger entre [l]es doigts", fait sien l’ennui que procure à l’écrivain postmoderne le choix d’une voix narrative, celle-ci permutant dans le livre au gré des effets de réception souhaités et affichant ouvertement son désir de dérouter le lecteur: "Au début, je pensais écrire ce texte à la troisième personne du singulier féminin, mais j’ai changé d’idée en cours de route: on aurait pu croire que je parlais de moi."
Si La Descente du singe a l’air d’explorer différents sujets, lieux et situations qui s’interpellent d’un fragment à l’autre (l’intelligentsia, l’"âme russe", les rapports de l’auteur avec les femmes, la ville universitaire de Bordeaux…), la littérature en constitue le propos central, avec de fréquents appels aux grands écrivains dont on retrouvera plusieurs traces avouées. À travers tout cela, quelques égratignures amusantes: au professeur obsédé par les théories psychanalytiques, au postmodernisme derridien, au végétarien ("parangon de la non-pensée" et "degré zéro de l’évolution") et au scientifique qui croit bêtement qu’une même cause a toujours le même effet et qui s’empêche d’apprécier "l’irrationnelle et merveilleuse gratuité du monde". Pour répondre à tous ces gens, Leblanc use délibérément d’arguments fallacieux et de raisonnements pervers, excellant dans l’usage détourné de la citation et de la note de bas de page.
Étudiant en lettres préparant un mémoire de maîtrise sur Georges Perec, David Leblanc livre avec cette Descente du singe un exercice de style qui, bien que scolaire par moments, offre de belles envolées. Il sera intéressant de réentendre la voix particulière qui nous est révélée ici autour d’un projet et d’un propos plus étoffés.
La Descente du singe
de David Leblanc
Le Quartanier
2007, 186 p.
À lire si vous aimez
Les Choses et La Disparition, de Georges Perec
Traité de balistique, d’Alexandre Bourbaki