Nina Bouraoui : Homme cherche homme
Nina Bouraoui, lauréate du Renaudot 2005, lance un court roman tendu comme un désir inassouvi, un monologue intérieur criant de détresse.
Nina Bouraoui ne se facilite pas la tâche. En se glissant dans la peau d’un adolescent homosexuel tiraillé par ses désirs refoulés et sa rancoeur envers une mère absente, l’auteure de Poupée Bella s’imposait dès le départ une sacrée contrainte.
Jérémie, son narrateur, vit avec sa mère dans un pavillon d’une banlieue parisienne. Cette dernière, hôtesse de l’air – et qui, comme dans la chanson, passe une bonne partie de son temps à s’envoyer en l’air -, ne reste à la maison que pour de courts séjours. Son père est encore plus distant, personnage d’abord énigmatique, indéfini, qui coule ses jours quelque part "dans le Sud", et que Jérémie finira par aller rejoindre.
D’ici là, c’est l’été, le temps est long, les passions à fleur de peau. La fumée des sticks recouvre tout d’un voile de fièvre. Dans la tête de Jérémie, tour à tour, il y a Ralph, le dealer du coin, dont la main "donne le plaisir contre de l’argent", et surtout Sami, l’amour inaccessible, disparu il y a peu du quartier. "Sami a fait un trou dans mon été, et tous mes jours sont aspirés par son image, tout va vers lui et c’est comme un soleil froid; je ne me réchauffe pas à sa pensée, ma chair est si dure qu’elle en devient coupante."
Avant les hommes, c’est d’abord un ton, une langue, entre le clinique et le poétique, entre le profond et le fleur bleue, qui mêle sans répit fantasme et réalité. "Quand je pense aux hommes, je pense à des corps serrés les uns contre les autres comme les bouleaux d’une forêt blanche; des corps si serrés que la lumière ne peut pas passer."
Nina Bouraoui évite soigneusement de donner des explications aux tourments de Jérémie, d’établir une équation trop nette entre sa dérive existentielle et l’absence du père ou la quasi-absence de la mère. Elle nous plonge sans mode d’emploi dans le drame silencieux d’un ado entouré mais seul au monde, et le fait avec le trait assuré d’une romancière arrivée à maturité, qui peut se le permettre.
Avant les hommes
de Nina Bouraoui
Éd. Stock, 2007, 96 p.
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