Louise Portal : La nature humaine
Louise Portal s’avance un peu plus loin sur les chemins de l’écriture avec L’Angélus de mon voisin sonne l’heure de l’amour, un cinquième roman sous le signe du deuil et de la renaissance. Entretien avec l’auteure, qui est ces jours-ci des Correspondances d’Eastman.
Chez Louise Portal écrivaine, la frontière entre fiction et réalité est très poreuse. On sent bien que vous placez beaucoup de vous et de votre couple dans la matière romanesque. Comment l’amalgame se produit-il? Exercez-vous toujours un contrôle conscient sur les rapports entre le réel et l’inventé?
"Pour ce dernier roman, le sujet s’est imposé de lui-même. J’ai été la première surprise et même bousculée que mon écrivaine, Jeanne Dorval, se retrouve veuve.
Comme toujours, j’ai fait confiance à mon intuition. C’est le même procédé lorsque j’incarne un rôle à l’écran. Les personnages ont leur vie et veulent vivre. J’essaie de ne pas trop intervenir. Je les guide dans l’histoire, je leur facilite certains passages, mais toujours ils me surprennent. Fascinant! Je devais me projeter dans ce rôle de veuve pour mieux comprendre et accompagner ce voisin endeuillé de beaucoup de choses (amour, travail, santé). Et comme j’ai dit à Jacques, mon mari: "J’aurai rendu hommage à notre amour.""
Outre le deuil, l’écriture et l’amitié, le roman fait une large place aux amours improbables. C’est une thématique que vous souhaitiez aborder depuis longtemps?
"Le plus souvent, l’amour est impossible à vivre ou certainement difficile à rencontrer. Le véritable amour demeure un privilège. Jeanne l’a vécu avec son Cher amour. Dans la suite du roman, la rencontre avec le jeune violoniste vient la réconcilier avec le désir. La même chose pour Charles-Émile dans sa rencontre avec Marielle. Renaît l’espérance amoureuse. L’important à mes yeux est de toucher à ce que l’autre vient nous permettre de rencontrer en nous-mêmes. L’amour n’est-il pas de toute manière "l’occasion unique de grandir et de prendre forme", comme l’écrivait Rainer Maria Rilke dans ses Lettres à un jeune poète?"
Vous êtes maintenant l’auteure d’un véritable petit corpus romanesque… Comment entrevoyez-vous votre rapport à l’écriture, ces prochaines années?
"Je dis souvent que l’écriture est ma prière, ma méditation. Écrire va prendre de plus en plus de temps et d’espace dans ma vie. L’actrice va continuer d’incarner, mais à travers l’écriture romanesque, c’est comme si je devenais scénariste, réalisatrice et que j’incarnais finalement tous les rôles à la fois! Et de plus, je n’ai pas à attendre d’avoir quelques millions pour faire mon cinéma… Chaque matin, à l’aube, je prends la plume et c’est chaque fois l’occasion d’un voyage étonnant!
En 1981, je terminais le récit de Jeanne Janvier sur cette phrase: "[…] ma main écrite c’est mon espoir de demain, mon épanouissement d’aujourd’hui. Main dépouillée d’une autre femme qui germe en moi." J’aurai mis 20 ans à laisser la place à l’écrivaine. En 2001, je renouais avec l’écriture avec la parution de L’Enchantée chez Québec Amérique. En attendant le prochain roman, je continue d’écrire fidèlement mon journal chaque jour… doucement… Mes livres auront été mes enfants."
L’Angélus de mon voisin sonne l’heure de l’amour
de Louise Portal
Éd. Hurtubise HMH, 2007, 208 p.
Le 3 août à 16 h
Au Théâtre La Marjolaine
Pour le café littéraire La Vertu de l’oubli