Louise Portal : La nature humaine
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Louise Portal : La nature humaine

Louise Portal s’avance un peu plus loin sur les chemins de l’écriture avec L’Angélus de mon voisin sonne l’heure de l’amour, un cinquième roman sous le signe du deuil et de la renaissance. Entretien.

Dans une chronique dont j’ai mal saisi le raisonnement, le 9 juin dernier, Pierre Foglia avançait que par "snobisme", la rédaction de Voir dédaignait le travail romanesque de Louise Portal. Curieux, parce que Voir s’est plusieurs fois penché sur ledit travail, sans compter que nous étions justement en train de lire son plus récent titre, L’Angélus de mon voisin sonne l’heure de l’amour. Mais ne faisons pas déborder la tempête hors du verre d’eau, et donnons la parole à l’actrice-écrivaine, qui a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions.

Chez Louise Portal écrivaine, la frontière entre fiction et réalité est très poreuse. On sent bien que vous placez beaucoup de vous et de votre couple dans la matière romanesque. Comment l’amalgame se produit-il? Exercez-vous toujours un contrôle conscient sur les rapports entre le réel et l’inventé?

"Pour ce dernier roman, le sujet s’est imposé de lui-même. J’ai été la première surprise et même bousculée que mon écrivaine, Jeanne Dorval, se retrouve veuve.

Comme toujours, j’ai fait confiance à mon intuition. C’est le même procédé lorsque j’incarne un rôle à l’écran. Les personnages ont leur vie et veulent vivre. J’essaie de ne pas trop intervenir. Je les guide dans l’histoire, je leur facilite certains passages, mais toujours ils me surprennent. Fascinant! Je devais me projeter dans ce rôle de veuve pour mieux comprendre et accompagner ce voisin endeuillé de beaucoup de choses (amour, travail, santé). Et comme j’ai dit à Jacques, mon mari: "J’aurai rendu hommage à notre amour.""

Outre le deuil, l’écriture et l’amitié, le roman fait une large place aux amours improbables. C’est une thématique que vous souhaitiez aborder depuis longtemps?

"Le plus souvent, l’amour est impossible à vivre ou certainement difficile à rencontrer. Le véritable amour demeure un privilège. Jeanne l’a vécu avec son Cher amour. Dans la suite du roman, la rencontre avec le jeune violoniste vient la réconcilier avec le désir. La même chose pour Charles-Émile dans sa rencontre avec Marielle. Renaît l’espérance amoureuse. L’important à mes yeux est de toucher à ce que l’autre vient nous permettre de rencontrer en nous-même. L’amour n’est-il pas de toute manière "l’occasion unique de grandir et de prendre forme", comme l’écrivait Rainer Maria Rilke dans ses Lettres à un jeune poète?"

La nature est omniprésente, dans ce texte comme dans votre écriture en général. Avez-vous des modèles en la matière? Y a-t-il des écrivains qui vous ont particulièrement influencée? On peut penser à Robert Lalonde, parfois, dans cette attention portée aux merveilles de la faune et de la flore…

"Robert Lalonde est un ami depuis plus de 35 ans. Il a été mon parrain littéraire et a signé la préface de mon premier ouvrage, Jeanne Janvier, paru chez Libre Expression en 1981. Nous avons partagé les années du Conservatoire d’art dramatique, j’ai joué sous sa formidable direction, voyagé en sa compagnie au Mexique et au Guatemala, cohabité avec lui dans une maison sur les bords de la rivière Richelieu et vécu beaucoup d’autres moments mémorables. J’aime beaucoup sa poésie, son écriture. La nature, sous la plume de Robert ainsi que dans toute l’oeuvre de Gabrielle Roy, fait écho en moi, est porteuse d’une résonance particulière: une authenticité et une immense tendresse pour la vie."

Vous êtes maintenant l’auteure d’un véritable petit corpus romanesque… Comment entrevoyez-vous votre rapport à l’écriture, ces prochaines années?

"Je dis souvent que l’écriture est ma prière, ma méditation. Écrire va prendre de plus en plus de temps et d’espace dans ma vie. L’actrice va continuer d’incarner, mais à travers l’écriture romanesque, c’est comme si je devenais scénariste, réalisatrice et que j’incarnais finalement tous les rôles à la fois! Et de plus, je n’ai pas à attendre d’avoir quelques millions pour faire mon cinéma… Chaque matin, à l’aube, je prends la plume et c’est chaque fois l’occasion d’un voyage étonnant!

En 1981, je terminais le récit de Jeanne Janvier sur cette phrase: "[…] ma main écrite c’est mon espoir de demain, mon épanouissement d’aujourd’hui. Main dépouillée d’une autre femme qui germe en moi."

J’aurai mis 20 ans à laisser la place à l’écrivaine. En 2001, je renouais avec l’écriture avec la parution de L’Enchantée chez Québec Amérique. En attendant le prochain roman, je continue d’écrire fidèlement mon journal chaque jour… doucement… Mes livres auront été mes enfants."

L’Angélus de mon voisin sonne l’heure de l’amour
de Louise Portal
Éd. Hurtubise HMH, 2007, 208 p.

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LES 5ES CORRESPONDANCES D’EASTMAN

Le 3 août à 16 h, sur la terrasse du Théâtre La Marjolaine, Louise Portal participera à un café littéraire intitulé "La vertu de l’oubli". Animée par Raymond Cloutier et réunissant également Christiane Frenette et Patrick Nicol, cette discussion s’inscrit dans la thématique des 5es Correspondances d’Eastman, qui proposent un grand voyage "au pays de la mémoire". Aussi à l’affiche, entre autres, un spectacle de lettres-chansons en compagnie de Richard Séguin, un "Cabaret de l’oubli" conçu par Claude Poissant et mettant en vedette Sophie Cadieux, Dany Boudreault, Martin Faucher, Marie-Thérèse Fortin et plusieurs autres, ainsi que le café littéraire "Je me souviens? Pas toujours!", durant lequel Jacques Allard, Zahia Rhamani et Yvon Ricard s’entretiendront avec l’animatrice Ariane Émond de la mémoire des peuples. Sans oublier le fameux circuit des lettres, qui offre aux festivaliers la possibilité de s’installer dans des chambres et jardins d’écriture pour y écrire des lettres à leurs proches ou moins proches… Les Correspondances ont lieu du 2 au 5 août. Programmation complète: www.lescorrespondances.ca.

L'Angélus de mon voisin sonne l'heure de l'amour
L’Angélus de mon voisin sonne l’heure de l’amour
Louise Portal
Hurtubise HMH