Joël Des Rosiers et Patricia Léry : Fleur de macadam
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Joël Des Rosiers et Patricia Léry : Fleur de macadam

Joël Des Rosiers et Patricia Léry font le récit poétique et sensuel d’une passion improbable, celle d’un chauffeur de taxi parisien et de son énigmatique passagère.

À peu près personne n’a parlé de ce livre, paru fin juin. Mis à part Danielle Laurin, qui lui consacrait dans Le Devoir un fort bel écho, rien, silence radio. Et pourtant.

Je sais, c’est la rentrée, il y a plein de bouquins frais sur mon bureau, et si je me permets une dernière pêche dans les eaux de la saison estivale, c’est tout simplement que je l’ai ouvert, ce minuscule titre qui allait disparaître sous les piles. Je l’ai ouvert et puis hop, sans trop m’en apercevoir je l’avais traversé, dévoré comme on dit.

Sur la jaquette d’Un autre soleil, on a écrit nouvelle. On aurait pu écrire récit, ou roman bref, qu’importe. Voilà une de ces petites histoires dont on ne sait trop à quoi tient la magie, et qu’on referme avec l’étrange impression d’en avoir eu pour notre argent et, en même temps, de rester terriblement sur notre faim. C’est un compliment.

Une femme sanglote sur la banquette arrière d’un taxi. Pour le chauffeur, au bout de quelques coups d’oeil, en silence, elle n’est déjà plus une passagère ordinaire. "Quelqu’un comme ça existait. Pouvait entrer dans mon taxi à mon insu et répandre son odeur d’aubépine sauvage après la pluie, ses sentiments, sa détresse dans mon dos et cela pouvait traverser le siège et me transpercer physiquement."

Un autre de ces menus coups de foudre qui rythment les saisons parisiennes, se dit-on, et qui est promis à une fin soudaine, banale. Mais en sortant de la voiture, l’étrangère s’effondre. Le chauffeur la portera jusque chez elle, et… et pour la suite vous lirez vous-mêmes, chers lecteurs, mais on peut vous dire que dans le registre du sensuel, de l’abandon des esprits et des corps, nous sommes dans le très beau, le très enivrant.

On ne peut s’empêcher de penser à Stefan Zweig, par moments, non pour la langue mais pour ce motif si souvent exploité par le grand écrivain autrichien, celui de la confession, toujours plus facile quand l’interlocuteur nous est étranger. Il y a de ça ici, un échange dégagé de contraintes, splendide, juste avant que la raison ne démissionne. "J’avais l’impression de m’embarquer pour une traversée de l’Atlantique sans y être préparé. Sans avoir rien calculé, sans m’être rendu compte du risque, de l’immensité de l’océan."

Ce petit livre est réussi sous plusieurs aspects. Le ton est d’une grande justesse, d’une poésie qui n’entrave pas l’écoulement du récit, d’une grande unité stylistique aussi, malgré l’écriture à quatre mains (faudra interroger Joël Des Rosiers et Patricia Léry sur leur procédé d’écriture, tiens). Et surtout, Un autre soleil nous laisse rêveur et un peu amoureux, nous foutant complètement de savoir si nous nous sommes laissés entraîner dans un songe ou une réalité.

Un autre soleil
de Joël Des Rosiers et Patricia Léry
Éd. Triptyque, 2007, 64 p.

À lire si vous aimez
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig

Un autre soleil
Un autre soleil
Joël Des Rosiers et Patricia Léry
Triptyque