André Girard : Fantasme d’écriture
Le 20 septembre dernier aux Bouquinistes, André Girard discutait de sa dernière publication, Port-Alfred Plaza, avec le professeur Jean-Pierre Vidal. Cet événement s’est tenu dans le cadre de la Tournée collégiale et universitaire des auteurs du Salon du livre.
L’HUMANITE DU LIVRE
La littérature québécoise actuelle manifeste un intérêt certain pour les profondeurs de l’âme humaine. Son regard introspectif se déplace d’un univers romanesque à un autre pour saisir ce qui bout à l’intérieur même d’une conscience collective parsemée de solitudes individuelles. Alors que ce mouvement réflexif embrasse toute une génération d’écrivains, on voit apparaître une dynamique textuelle questionnant les limites mêmes de l’intériorité et de l’altérité. Lorsque André Girard présente Port-Alfred Plaza comme un "roman de taverne sans dialogues", on ne peut s’empêcher de penser à ces drôles de situations où des personnes inconnues nous sont dévoilées, entrant dans notre existence sans préavis, au hasard de circonstances insoupçonnées. Position du voyeur qui écoute à leur insu les révélations indiscrètes de petits acteurs du quotidien. Fantasme de la chemise entrouverte qui révèle la nudité de corps interdits.
Étienne, le narrateur de Port-Alfred Plaza, est placé dans cet étrange climat de perversion. En accédant à des cassettes où sont enregistrées, sans qu’ils ne le sachent, les histoires de Fernand, Lili, Jean-Claude et Simon, il devient le témoin privilégié de leurs secrets. Mais plus encore, à l’hôtel Port-Alfred Plaza où il écrit un roman à partir de ces enregistrements, il rencontre Johanna, une femme de ménage qui gère un site porno et qui lui fait découvrir la face cachée d’une sexualité débridée. Comme l’affirme Jean-Pierre Vidal, Port-Alfred Plaza s’avère un livre "quantique" où "la trajectoire libre des personnages rappelle le mouvement incessant et imprévisible de particules subatomiques". En ce sens, André Girard, par les différents chassés-croisés qu’il impose à ses personnages, effectue un véritable travail d’anthropologue. Son style minimaliste permet d’examiner sans artifice les réalités les plus banales pour en tracer un portrait sensible à la lumière d’une modernité dont il saisit les enjeux.
SEDUCTION LITTERAIRE
Le succès de ce cinquième roman en librairie annonce un futur prometteur pour cet auteur qui n’a pas toujours charmé la critique, bien qu’il ait reçu plusieurs distinctions, dont le Prix Robert-Cliche en 1991 avec Deux semaines en septembre. Au fil du temps, il a acquis une maturité qui s’est traduite concrètement dans son approche littéraire, lui donnant accès à la cour des grands. Dernièrement, pour Port-Alfred Plaza, on lui a attribué le Prix Abitibi-Consolidated 2007 dans la catégorie Roman. Avec son entrée chez Québec Amérique, André Girard sent que des opportunités s’offrent à lui, notamment grâce au soutien du directeur littéraire de la maison d’édition, Normand de Bellefeuille, et à l’augmentation substantielle du tirage de ses oeuvres. Si l’écrivain saguenéen a consacré cinq ans à la rédaction de Port-Alfred Plaza, il annonce déjà la parution de Moscou Cosmos et Tokyo Impérial, les deux prochains volets de ce qu’il nomme la "suite hôtelière".
Ceux qui voudraient lui poser des questions pourront le rencontrer du 27 au 30 septembre, lors du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Dans le cadre du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean
Du 27 au 30 septembre
Au Centre des congrès de Jonquière
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