Emmanuel Lepage : Lumière et engagement
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Emmanuel Lepage : Lumière et engagement

Le bédéiste français Emmanuel Lepage visite pour la première fois les contrées québécoises à titre d’ambassadeur de la BD française.

C’est du moins le titre que l’on a accolé à cet invité de marque lors du Rendez-vous international de la bande dessinée de Gatineau (RVIBDG). "Avec mes petits souliers, je ne pense pas pouvoir embrasser la totalité de la production francophone…" rectifie Emmanuel Lepage. Mais c’est néanmoins avec beaucoup d’enthousiasme qu’il sera de la partie et qu’il fera un pont entre la bédé de la France et celle du Québec. Celui qui a eu pour maîtres les grands Jean-Claude Fournier (dessinateur de Spirou) et Pierre Joubert y va de quelques observations sur la bédé actuelle: "À mon avis, la scission d’aujourd’hui entre une bande dessinée plus traditionnelle et celle d’avant-garde est plus entretenue artificiellement que réelle. La ligne de fracture est pour moi beaucoup moins nette qu’elle a pu l’être à une certaine époque. Mais c’est peut-être aussi le propre de l’avant-garde de bousculer un peu les choses pour qu’elles évoluent."

Fort du succès du premier tome de Muchacho, le bédéiste lançait l’an dernier le second et dernier tome de cette "histoire de violences" et d’aventures qui a pour héros Gabriel, un jeune séminariste pris au milieu d’une guérilla dans un village nicaraguayen des années 70. "Muchacho est au carrefour de plein d’envies. La première, de me lancer seul au scénario. Ensuite, de traiter de choses qui m’étaient propres et chères. L’idée du Nicaragua est née d’une réflexion sur l’engagement. Je m’interrogeais sur les motivations parfois inavouables à s’engager, valables aussi bien pour le politique que pour l’humanitaire ou le religieux. Quelles en sont les motivations profondes? C’était le point de départ de Muchacho. D’où l’envie de raconter une histoire qui se déroulait dans un groupe de guérilleros", relate cet auteur aux dessins fins et réalistes.

Un voyage au Nicaragua fut un déclencheur; son histoire, ses habitants, ses réfugiés politiques. "J’avais rencontré une femme qui militait pour venir en aide aux Nicaraguayens en pleine guerre civile. Elle m’avait beaucoup parlé de ce peuple et de son combat. Ça m’avait beaucoup impressionné." En plus de jeter une lumière d’une grande beauté sur ces forêts denses qu’il se plaît à dessiner, Emmanuel Lepage met en lumière un personnage marginalisé: "Gabriel, par son père, un des dirigeants du régime, fait partie de l’élite nicaraguayenne. Mais de par ses préférences homosexuelles, c’est un exclu. C’est ce sentiment intrinsèque d’être différent – même s’il ne se l’avoue pas – qui lui permet d’entrer davantage en empathie avec d’autres exclus que sont les paysans. Son combat intime est qu’après cette révolution, il trouvera une société davantage ouverte à ces différences", résume-t-il.

Emmanuel Lepage prendra part à différentes activités lors du RVIBDG. Une sélection de ses planches sera exposée à la Galerie de l’Alliance française du 19 au 26 octobre. www.af.ca/ottawa

Muchacho – Tome 2
Éd. Dupuis, 2006, 88 p.

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Muchacho - Tome 2
Muchacho – Tome 2
Emmanuel Lepage
Dupuis