James Hyndman : Liaisons dangereuses
James Hyndman animera le deuxième Studio littéraire de la saison. Au programme, sa lecture de L’Amant de Lady Chatterley, un roman qui fit scandale lors de sa publication, en 1928. Le comédien a répondu à nos questions.
James Hyndman a presque été surpris quand Stéphane Lépine, l’un des concepteurs du Studio littéraire avec lequel il parlait de bouquins pouvant faire l’objet d’un prochain spectacle, a eu une forte intuition en entendant le titre L’Amant de Lady Chatterley. "Il a flashé, et c’était parti!" se souvient celui qui avait lu le livre il y a longtemps, sans en avoir été marqué outre mesure.
Nous avons voulu mieux comprendre le rapport qu’entretient aujourd’hui le bien-aimé comédien avec l’oeuvre de D.H. Lawrence, un rapport qui s’est manifestement beaucoup approfondi.
L’Amant de Lady Chatterley a fait un petit scandale lors de sa parution et a longtemps été interdit de publication en Angleterre. Le texte paraît-il toujours aussi cru, aussi subversif au lecteur d’aujourd’hui?
"Ce qui me semble subversif aujourd’hui dans le roman, ce ne sont évidemment pas les passages qui décrivent les rencontres sexuelles des protagonistes (on comprend qu’à l’époque, cela ait choqué), mais la profonde humanité et la grande authenticité qui sont le coeur de cette rencontre amoureuse. Dans un monde dur, froid, inhumain à tant d’égards, superficiel et plein de vanité, ces deux êtres blessés, isolés, résignés découvrent l’amour pour la première fois. C’est le roman d’une révélation. C’est magnifique. C’est romantique, mais sans le lyrisme et le sentimentalisme."
Le roman a enfin été publié en Angleterre, en 1960, grâce à une nouvelle législation permettant à un éditeur de publier des livres considérés comme "obscènes", à condition que leur valeur littéraire soit démontrée! Selon vous, quelle est la valeur de ce texte sur le plan littéraire?
"La valeur littéraire du texte? C’est une question difficile, parce que cela pose la question de savoir à quoi tient la valeur littéraire d’un texte… Je dirais que le roman lui-même a une grande valeur. C’est un récit puissant, admirablement construit. Mais que Lawrence ne se distingue pas par son style (contrairement à García Márquez, par exemple, que j’ai lu l’année dernière). Est-ce que cela diminue la valeur littéraire du texte? À vous d’en juger…"
Comment vous préparez-vous à pareille lecture? Ce n’est pas du jeu comme tel, évidemment, mais ça ne va pas sans exigences, n’est-ce pas?
"Il me faut d’abord isoler une trentaine de pages, ce qui n’est pas simple. Il faut que ces pages (ou ce montage) se tiennent par elles- mêmes, que l’auditeur n’ait pas à réfléchir. Il faut que, dramatiquement, la lecture de ces pages puisse produire un effet. Et, idéalement, j’aimerais que le passage lu soit représentatif de l’esprit du roman et donne éventuellement envie de le lire. Je lis et relis beaucoup, pour m’en imprégner le plus possible. Je trouve que plus je le lis, plus cet "esprit", ce "génie" du roman apparaît. Il s’agit alors de me mettre au service de ça le plus possible, pour le partager…"
Le 29 octobre
À la Cinquième salle de la Place des Arts
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L’AMANT DE LADY CHATTERLEY
L’an dernier, dans le cadre du Studio littéraire, James Hyndman faisait un tabac avec sa lecture de L’Amour au temps du choléra, de Gabriel García Márquez. Le revoici avec entre les mains L’Amant de Lady Chatterley, de David Herbert Lawrence (1885-1930), grand roman de la passion et des élans du corps, paru à Florence en 1928 mais interdit de publication en Angleterre jusqu’en 1960 en raison de ses scènes explicites de relations sexuelles et de son vocabulaire considéré comme grossier.
Constance, ou Lady Chatterley, est une jeune femme dont le mari est paralysé et impuissant. Sexuellement frustrée, elle va se lier avec Oliver Mellors, un garde-chasse. Au-delà du récit cru de leur union, le roman a choqué parce que les amants étaient une jeune bourgeoise et un homme de la classe ouvrière. Fait intéressant, le procès entourant la question de sa publication a profondément marqué la marche vers une plus grande liberté d’expression en Angleterre.