Stéphan Bureau : Profondeur de champ
Stéphan Bureau renoue avec sa passion première à travers CONTACT, l’encyclopédie de la création, une série télé du plus haut niveau qui fait une large place aux artisans des lettres. Nous l’avons rencontré dans ses bureaux de l’avenue Laurier.
"En fait, je suis un artiste frustré", lance Stéphan Bureau après quelques petites minutes d’entrevue, réfléchissant à voix haute sur la soif profonde qui le pousse à réaliser ce que personne ne fait plus: des entrevues de fond avec des artistes de tous les horizons, qui ont en commun une exigence profonde dans la pratique de leur art. Précision: l’homme de télé fait cet aveu tout sourire, rayonnant de bonheur dans ses occupations actuelles, glissant d’ailleurs un peu plus loin, dans la même phrase, ces mots sans équivoque: "Je mène une sacrée belle vie!"
Retour en arrière. En 1990, Bureau vient d’être nommé correspondant à Washington pour le réseau TVA. Son travail l’intéresse, mais par besoin, il développe un projet parallèle, "avec une micro-équipe", se souvient-il, celui d’approfondir la réflexion avec des personnalités marquantes de leur temps. Entre 1990 et 1994, avant que ne pleuvent sur le journaliste des offres qui ne se refusent pas, une première mouture de CONTACT proposera quelque 26 épisodes autour de Michel Tournier, Paul Auster, Nancy Huston, Carlos Fuentes et d’autres. "Les destins de créateurs m’intéressent depuis toujours. Quels sont les moteurs de leur oeuvre? Qu’est-ce qui pousse un être à se dépasser, dans tel ou tel domaine, à vouloir apporter quelque chose de neuf à ses semblables?"
Aujourd’hui, Stéphan Bureau a pris ses distances du monde de l’information, s’offrant le temps de mener plus loin son projet de plateforme de rencontre, qui paraît le réconcilier avec son médium et qui lui donne l’occasion d’exploiter le talent fou qu’il a, lui, pour montrer tout ce qui filtre, ce qui "percole" pour reprendre son terme, entre la vie d’un créateur et sa production. Voilà CONTACT à la mesure du rêve initial, et, bonne nouvelle, entre la danse, le cinéma, la gastronomie et la caricature, bon nombre des invités sont d’abord des gens de lettres. Ces dernières semaines, on a pu voir à l’écran Marie Laberge, Daniel Pennac, Michel Onfray ou Richard Desjardins, et l’un des clous de la série, un portrait de Dany Laferrière, sera diffusé ce 1er novembre.
CONTRE-COURANT
À l’ère du soundbite et de la capsule, Stéphan Bureau est pleinement conscient d’inscrire CONTACT en marge des formats à la mode. "Il y a beaucoup de gens, je crois, qui ont renoncé à trouver ce type de matière à la télévision. Des gens qui s’alimentent très bien à la radio, dans Internet, par la lecture, mais qui croient que la télé a été abandonnée à des formats incompatibles avec la littérature." L’animateur nuance: "Pour dire vrai, on voit encore de nombreux écrivains à la télé, mais qui sont invités pour mettre en valeur un format qui ne leur ressemble pas. Je pense à Christian Mistral, par exemple, qui était récemment sur le plateau de Tout le monde en parle. Moi je l’ai trouvé très touchant, d’une formidable fragilité, mais il était entouré d’un appareillage qui ne lui permettait pas d’être à son meilleur, de donner libre cours à sa pensée." Et ça, précisément, CONTACT le permet. "Nous essayons de faire transparaître, au montage, la progression de la relation qui s’établit entre mon invité et moi. C’est très rare que la télévision permette ça."
Installer une telle relation, au-delà du temps de tournage, nécessite évidemment une intense préparation. "Le secret, pour moi, est d’être "surpréparé" quant à ce qui est "préparable": les lectures, les biographies, etc., histoire d’être confiant et de gagner la confiance de mon invité, pour ensuite oublier tout ça dans le feu de l’action."
Celui qui aurait bien voulu devenir dessinateur, enfant, mais qui pour notre bonheur a préféré tracer le contour de vies singulières, conclut par une vérité toute simple et pourtant si souvent oubliée: "Parce que l’essentiel, en situation d’entrevue, c’est d’être parfaitement disponible."
Le jeudi à 21 h
Sur les ondes de Télé-Québec
CONTACT: UNE VISION DE LA TÉLÉ
À travers des montages vivants mais respectueux du rythme naturel d’un dialogue, CONTACT présente des penseurs et artistes de différents domaines, de la chanson à la haute cuisine, et tout particulièrement des artisans d’écriture. À venir ces prochaines semaines, les portraits de Gilles Vigneault, Enki Bilal, Amin Maalouf, Boris Cyrulnik, entre autres, à propos desquels on trouvera un riche contenu supplémentaire sur le site de l’émission, sans compter que le portrait du jeudi précédent y est diffusé librement pendant sept jours: www.contacttv.net.